"Philosophie" à est prendre dans le sens élargi d'ensemble des connaissances / savoir / croyances car il est fait mention dans cet ouvrage de médecine, de mathématiques, de religion, etc.
Pour chaque chapitre, l'auteur reprend un texte égyptien (les hiéroglyphes sont typographiés), le traduit et le commente. Il met ainsi en évidence les connaissances précoces des égyptiens sur ce qui est tenu de nos jours comme étant à la pointe de la science, dans tous les domaines. Par exemple, le Noun originel anticipe les théories actuels en cosmologie et s'affranchit au contraire de nombreuses autres religions de l'idée d'un dieu créateur ; les conceptions de la venue à l'existence n'auraient rien à envier à l'ontologie de Heidegger ; les principes de morale et les maximes sont en avance sur celles qu'on écrira des milliers d'années plus tard ; le calendrier égyptien à 365 jours sera repris partout dans le monde ; etc.
On en vient à des assertions un peu plus audacieuses : les Egyptiens auraient calculé la vitesse de la lumière, conçu un aéroplane trois siècles avant Jésus-Christ, etc.
Ces exagérations sont obtenues par une volonté trop marquée d'insister sur l'antériorité des connaissances des égyptiens et s'inscrit dans la visée idéologique de l'ouvrage : démontrer que la philosophie africaine prétend à bon droit se fonder sur une pensée qui ne soit pas grecque.
L'ensemble est donc une somme de données dans laquelle on puise des arguments de nature à soutenir que la pensée africaine est héritée de l'Egypte ancienne, ce que met en évidence des rapprochements réguliers avec des extraits de la pensée africaine actuelle (Dogon, Bambara, Cote d'Ivoire, etc.), mais aussi qu'elle prétend à l'antériorité sur toutes les autres pensés.
Si bien que la singularité prétendue de la pensé africaine est noyée dans cette dualité. On en est amené soit à tenir que la pensée africaine est restée à ce qu'elle était dans l'Egypte ancienne (et alors on ne voit pas pourquoi elle perdrait à s'enrichir des développements ultérieurs), soit que la science moderne est issue de l'Egypte ancienne (mais alors pourquoi vouloir une singularité de la pensée africaine aujourd'hui ?)
Il manquerait un dernier chapitre qui synthétiserait tous les éléments rassemblés dans le but de proposer un système de pensée qui soit à la fois typiquement africain et tout à la fois hérité de l'Egypte, en s'affranchissant dans le même temps des héritages de la Grèce. Mais cela reviendrait à retirer les sciences objectives (dont on ne va tout de même pas prétendre qu'elles étaient aussi avancées autrefois qu'aujourd'hui) et à proposer une confrontation entre le monde ancien et le monde moderne. La métaphysique et le texte religieux sont sans doute dépassés aujourd'hui ? Resterait-il alors, pour proposer de grands récits, des rapports à la réalité, des modes d'existence et une "manière de voir le monde", autre chose que le roman ? A voir... mais il serait intéressant de le lire !
Pour trouver l'inspiration et les éléments de connaissance nécessaire, nous avons donc cet ouvrage d'Obenga, qui propose de nombreux textes en hiéroglyphes, et des annexes avec des photos et des traductions de textes anciens.
Commenter  J’apprécie         20