Thierry Fournier

La règle de saint Benoît

Renaudin avait été un jeune étudiant au coeur tourmenté, bourrelé d'inquiétude. Maintenant il est devenu un homme apaisé, porteur d'un de ces sourires à la fois discrets et contagieux que nous réservent ceux que la vie spirituelle a comblés. Pour en arriver là, il lui avait fallu mener le rude combat auquel saint Benoît, dans sa Règle, l'avait convié à travers le temps : «Prends les fortes et nobles armes de l'obéissance afin de lutter pour le Seigneur Christ, notre véritable Roi, et d'avoir part à son royaume.»
Un beau jour, malgré les quatorze siècles et des poussières qui les séparaient, le moine fondateur interpella Renaudin, comme il interpelle chacun de ses lecteurs : «C'est à toi que s'adresse ma parole, à toi, qui que tu sois.» Le bonheur, rien moins que cela, voilà ce que saint Benoît lui offrait. Renaudin savait que la recherche du bonheur avait épuisé bien des générations avant lui. Y avait-il une piste, une piste sérieuse, dans ce livret qu'un ami venait de lui offrir ?
Or, pour un chrétien, il n'y avait là rien d'original en apparence. Qu'on se lève sur l'invitation du Seigneur et qu'on le suive, à notre façon, avec nos lacunes et nos limites, n'était-ce pas en résumé l'objectif des apôtres ? Les chemins sont nombreux et les mauvaises pistes, les culs-de-sac, les fondrières et les précipices ne manquent pas eux non plus. Les tribulations de l'Église l'ont assez montré. Aussi saint Benoît propose-t-il aux moines comme aux laïcs de leur servir de guide sur l'un de ces chemins vers le royaume, et il a fondé à cette fin «une école où l'on sert le Seigneur»