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Citation de JulieG10


« Apparemment les deux dernières années ont été catastrophiques pour l'agriculture... enchaîna Dieter.
— Ici, en montagne, on a été un peu plus épargnés que dans les plaines. À part quelques rivières qui sont sorties de leur lit, et les trombes d'eau qui ont remplacé les chutes de neige, nous ne sommes pas à plaindre. Mais c'est vrai que c'est plus difficile aujourd'hui. »
Dieter lui demanda de développer.
« Et bien, avec toute cette pluie, ce vent, les pâtures abîmées, les vaches tombent plus souvent malades. Et les vétérinaires sont de plus en plus chers alors... »
Il évoqua les immenses inondations de l'année passée qui avaient plongé plusieurs grandes métropoles dans le chaos. Ils étaient moins bien préparés qu'en montagne. Dieter crut sentir une pointe de complaisance dans ses paroles. Peter interrompit l'échange en proposant une boisson chaude au journaliste. Il accepta volontiers un café serré. L'instant qu'il le prépare, Dieter regarda la cuisine dans laquelle ils étaient installés. Plusieurs éléments devaient être présents depuis la construction de sa demeure : un vieil évier en pierre taillée marqué par le temps, un lustre fabriqué à partir d'une roue de charrue, et dont une ancienne attaque de termites avait laissé des traces qui serpentaient sur ses bras. Même la table, l'une de celles qu'on pouvait trouver dans les monastères, avait laissé de multiples empruntes indélébiles sur la tomette qui recouvrait le sol. Les huisseries étaient fatiguées et laissaient peu de chance aux vitres de retenir aussi bien la fraîcheur que la chaleur. Il remarqua aussi la cuisinière qui servait également de chauffage.
Peter revint avec le café, Dieter le remercia puis continua son interview.
« Souffrez-vous du manque de neige ?
— Oui, mais pas dans le sens où vous l'entendez... La neige crée un manteau protecteur sur les toits des stabulations, et elle permet d'avoir très vite de l'herbe verte fraîche à la sortie de l'hiver. Mais là, nous l'attendons encore. Les vaches piétinent et les prés son ravagés par l'eau. C'est de la boue maintenant.
— Je comprends, oui. »
Dieter était perturbé par la comtoise qui toquait chaque seconde et émettait un son de cloche tous les quarts d'heure. Il se demanda si Peter la remontait chaque jour ou si elle était automatique. Même si cela n'avait aucun rapport avec son entretien, il avait besoin de s'évader.
« Vous n'avez jamais vécu cela auparavant ?
— Le manque de neige, très peu. Mais pour ce qui est des tempêtes, la pire, c'était celle de 1992 !
— Pas 1999 ?
— 1999 était terrible à grande échelle. 1992 était plus localisée. Je crois même qu'on avait eu une tornade ici !
— Une tornade ?
— Exactement. Le matin, j'ai retrouvé mes vaches dans un coin du pré, toutes. Sur trois côtés, la clôture avait été arrachée, des vents de plus de 200 km/h ! Il y avait un gros arbre au milieu. Plusieurs branches étaient tombées. Il y avait aussi des oiseaux morts. Je n'ai jamais compris comment les vaches avaient pu se comporter. »
Dieter voulut lui demander ce qu'il craignait le plus maintenant, mais un grondement terrifiant, qui semblait provenir du sol, les coupa instantanément. Peter se cramponna à la table et Dieter chercha du regard un endroit où se protéger. Le grondement se fit plus intense. Il demanda s'il pouvait y avoir une avalanche, mais remarqua à quel point sa question était stupide. Tous les murs de la maison se mirent à trembler. De la poussière tomba du plancher apparent de l'étage, et les joints des murs s’effritèrent. Il devina l'effroi dans le regard de Peter. Il
était pétrifié.
La maison parut se déplacer.
Dieter plongea sans réfléchir vers son hôte, le saisit, et l'emmena
dans un coin de la pièce, où il pensait le mettre à l'abri. À ce moment, l'un des murs craqua, et des mètres cube de terre traversèrent les fenêtres. Dieter crut percevoir des cris au milieu du vacarme.
« La montagne s'effondre ! »
Peter cria si près des oreilles de Dieter qu'il mit quelques instants à s'en remettre. Il comprit que ce n'étaient pas les cris mais le vacarme de l'éboulement qui en devenait assourdissant.
« Mais quand est-ce que ça va s'arrêter ? » hurla-t-il en tentant de se protéger la tête et en se mettant instinctivement en position de chien de fusil. Ils se retrouvèrent vite dans le noir le plus total, sentant toujours la terre se dérober sous la maison. Une poutre tomba à côté d'eux, bloquant la jambe de l'éleveur qui poussa un hurlement de douleur avant d'empoigner Dieter comme pour l'appeler à l'aide.
Les tremblements cessèrent petit à petit, jusqu'à laisser place à un silence encore plus abominable.
Dieter ne voyait rien. Il n'entendait plus un son hormis la respiration haletante de Peter qui semblait avoir perdu connaissance. Le tic-tac de la comtoise n'était plus qu'un souvenir, mais il se répétait encore et encore dans la tête du journaliste.
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