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Citation de Nemorino


Diaghilev qui, en toutes choses, aimait à se faire remarquer, portait un monocle. M’étant aperçu qu’il ne lui était pas nécessaire, je lui demandai pourquoi et il me répondit en m’affirmant que la vue de cet œil-là était défectueuse. Ce mensonge où je trouvais la preuve que Diaghilev abusait de ma crédulité me causa une si vive contrariété que je ne lui accordai plus aucune confiance et à dater de ce jour je mis tous mes efforts à progresser d’une façon indépendante. Il me garda rancune de ce changement qui ne lui avait pas échappé, mais sachant que lui-même avait modifié son attitude, il me garda auprès de lui.
Je m’étais mis à le haïr ouvertement. Un jour dans une rue de Paris je lui envoyai une bourrade pour montrer que je n’avais pas peur de lui. Mais au moment où j’allais m’en aller dans une autre direction, il me frappa avec sa canne. Puis à l’idée que je le quittais pour de bon, il me courut après. Je marchais posément de peur d’être remarqué car les gens déjà nous observaient. En le repoussant je m’étais fait mal à la jambe — sans avoir toutefois agi avec brutalité ; ce qu’il m’inspirait n’était pas de la colère mais seulement de la tristesse. Et puis je me suis mis à pleurer, tandis que lui m’invectivait, ce qui me fit éprouver autant d’abattement que si une armée de chats s’était mis à m’écorcher l’âme ; je n’étais plus moi-même. Nous marchions lentement l’un près de l’autre — et je ne me rappelle plus où nous sommes allés.
Nous vécûmes à la suite de ces événements très longtemps ensemble, moi en un isolement triste où je me laissais aller au chagrin dans ma solitude pleine de larmes.
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