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Citation de Dorian_Brumerive


Victor Tissot
Dès cette époque, on donna à tout le pays le nom d'Ukraine, qui vient de "kraïn", frontière, limite; et on appela Kosaks les habitants des campagnes qui s'armaient pour aller guerroyer contre les infidèles et les envahisseurs.
- Mais, à côté de ces Kosaks disciplinés, il y avait les Kosaks libres, espèces de brigands chevaleresques chantés par les poésies et les légendes populaires ?
- Oui, ils formaient de petites républiques, des communautés indépendantes que venaient grossir les serfs fugitifs, les moines défroqués, les repris de justice : gens de sac et corde, n'ayant rien à perdre et tout à gagner, poussés par leur esprit de vagabondage, d'indépendance et d'aventure, par leur besoin de mouvement continuel et d'action, leur soif de vol et de pillage.
- Tels étaient, je crois, les Kosaks Zaporogues ?
- Ce sont les plus fameux, ils s'étaient installés dans une île rocailleuse au milieu du Dniepr, pour garder le cours du fleuve. Un pont-levis donnait accès dans leur "setche", leur lieu de rassemblement fortifié. Ils logeaient là dans de grands hangars, et le temps qu'ils n'employaient pas aux exercices des armes, ils le passaient en fêtes joyeuses, dansant, buvant, jouant, ripaillant. Quand ils rentraient, tout gorgés de butin, dans leur enclos palissadé, c'étaient des orgies et des scènes d'ivresse dont le dénouement était souvent tragique.
Les femmes étaient bannies de ce cloître militaire. Mais dans les faubourgs de l'île, habitaient de belles juives toujours prêtes à troquer leurs caresses et leurs baisers contre les coupes d'or, les riches étoffes, les sequins enlevés par les Kosaks aux pachas turcs. Emportés par leurs petits chevaux rapides, ces sauvages cavaliers fondaient sur une ville ou un village comme un vol de vautours. Dans les steppes herbeuses qui les cachaient tout entiers, eux et leur cheval, ils chassaient à l'infidèle comme on chasse au loup, et suspendaient à leurs selles, par les cheveux, la tête coupée de l'ennemi.
Constantinople, la ville merveilleuse, la ville aux palais d'or, les attirait, comme elle avait attiré les Croisés. Ils rêvaient de ses harems et de ses sultanes, et plus d'une fois, les sentinelles tursques qui rêvaient aux remparts signalèrent l'approche des corsaires kosaks, dont les barques légères s'attaquaient aux gros navires de la flotte impériale.
Ils se proclamaient les défenseurs de la foi : "Que celui, chantaient-ils, qui veut pour la foi chrétienne, être empalé, roué, écartelé, nous suive !". Mais à dire vrai, le vol et les pillages les intéressaient bien plus que la défense de la religion. Quand ils rentraient les mains vides dans leur "setche", ils brisaient les boutiques des juifs et s'emparaient sans payer de tout ce qu'elles contenaient. La justice se rendait chez eux, en présence de toute la communauté, et la sentence s'exécutait à l'instant même, car le bourreau attendait près des juges, la hache en main. Il s'avançait vers le coupable et lui demandait sa tête, un de ses yeux ou un de ses bras. Les voleurs étaient attachés à un poteau d'infamie, et roués de coups. On enchaînait à un canon celui qui avait fait des dettes, et on le laissait ainsi, jusqu'à ce qu'un de ses camarades consentit à payer pour lui. Le meurtrier était couché vivant dans une fosse profonde. On posait sur lui le cercueil qui renfermait le cadavre de sa victime, puis on les couvrait tous deux de terre.
Ils étaient soumis à un chef suprême qui avait le titre de "hetman", et que les rois de Pologne investissaient eux-mêmes, en lui remettant l'étendard à queue de cheval, la masse d'arme et le sceau. Jamais peut-être ils ne se seraient insurgés contre les Polonais, si ceux-ci avaient eu assez d'habileté pour leur laisser leurs privilèges et respecter leur religion, à laquelle ils étaient très attachés. Mais les seigneurs polonais avaient chassé tous les moines ortodoxes et transformé les monastères en étables. Les enfants mouraient sans baptême, car les églises avaient été louées aux juifs, qui n'y laissaient entrer que ceux qui payaient. Si vous avez lu le "Tarass Boulba" de Gogol, vous devez vous souvenir que les cris de guerre qui éclataient alors parmi les Kosaks révoltés étaient : "Pendons d'abord les juifs, qu'ils ne puissent plus faire de jupes à leurs juives avec les chasubles de nos prêtres ! Qu'ils ne mettent plus de signes maudits sur les hosties ! Noyons toute cette sale engeance dans le Dniepr !". Les représailles des Kosaks furent terribles. Ils massacraient les enfants, coupaient les seins aux femmes, incendiaient les villages, et arrachaient, du genou à la plante des pieds, la peau aux malheureux juifs.
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