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Citation de Yves-Hiram


Préface

C’est un livre de praticien. On y trouve des situations de la vie quotidienne, un peu désordonnées comme lors d’une consultation où chaque cas pose un nouveau problème sur la condition des enfants et des adolescents d’aujourd’hui.
La situation de maltraitance n’est pas aussi évidente qu’on a pu le croire. La maltraitance physique était la règle éducative, surtout envers les garçons, il y a quelques décennies. La maltraitance sexuelle, surtout envers les filles, était considérée comme une paillardise pas si grave que ça, quant à la négligence affective, elle n’était même pas pensée.
Aujourd’hui encore, on continue à avoir des idées trop simples pour être vraies. Puisque l’attachement est nécessaire au développement, la violence qui le déchire est un mal absolu. C’est oublier que la condition humaine ne cesse de changer. Sans violence fondamentale l’homme n’aurait probablement jamais pu échapper à la condition animale. C’est la violence qui nous a permis d’inventer le silex et les armes qui tuaient les animaux. C’est la violence fondatrice qui a organisé les cités-états en s’emparant de la nourriture, des biens et des terres de ceux qui avaient la malchance d’être plus faibles. La souffrance était quotidienne en ce temps-là, et le passage sur Terre n’était qu’une vallée de larmes.
Il n’y a pas longtemps que nous osons penser le trauma : Oppenheim, Janet et ensuite Freud ont été les premiers à utiliser cette métaphore chirurgicale pour l’appliquer au monde psychique. D’abord la psychanalyse en a fait l’étiologie des névroses et des mécanismes de défense, mais c’est la Seconde Guerre mondiale qui en a fait une source explicative des souffrances d’adultes.
La manière dont nous pensons la violence et le traumatisme dépend fortement du contexte culturel. Aujourd’hui, nous sommes clairs : la violence provoque des traumas qui déchirent la vie psychique.
Yves Hiram Haesevoets nous invite à sa consultation pour réfléchir à la clinique et aux possibilités d’aider ces jeunes.
D’abord, il envisage une violence difficile à voir car elle est peu spectaculaire : la négligence affective et l’humiliation qui provoquent d’importants dégâts neurologiques et affectifs. En réparant leur entourage, ces enfants reprennent un développement, mais gardent les traces de leurs blessures précoces.
Puis l’auteur parle très justement de la révolution pulsionnelle de l’adolescence : la puberté a un déterminant biologique qui n’exclut pas le déterminant culturel puisque dans les contextes misérables ou dans les familles en difficulté, elle apparait plus tard.
On ne parle d’adolescence que lorsque la situation psycho-sociale le permet. Or, dans notre culture l’amélioration des conditions éducatives avance l’âge de la puberté et notre monde moderne retarde l’accueil des jeunes qui mettent plus longtemps à gagner leur autonomie.
Les adultes ont toujours été ambivalents avec les jeunes et leur vitalité. On les envie et ils font peur. Depuis les grecs, jusqu’au monde moderne, on les critique et on les craint.
C’est l’âge de toutes les explosions sexuelles et sociales, c’est le sommet des amours, des aventures et des délinquances. Notre culture se complait avec cette image d’adolescent violent et victime. En fait, la majorité prend le virage sans trop souffrir, donc on a peu de raisons d’en parler.
Haesevoets parle de deuil, cette grande souffrance à laquelle personne n’échappe. Les effets psychiques sont différents selon l’âge : dans les petites années, un deuil laisse des traces développementales qui créent une vulnérabilité à la perte. Longtemps après un deuil précoce, un événement contextuel (séparation, perte, autre deuil) peut réveiller cette trace et faire souffrir beaucoup plus qu’un enfant qui a été bien entouré lors des interactions précoces.
Un enfant ne peut pas se développer ailleurs que là où la vie l’a mis. Dans un milieu en souffrance il s’imprègne de cette difficulté. Quand les parents sont toxicomanes, il reçoit sa part de virus, de biologie altérée et du milieu familial en difficulté. Ce raisonnement est vrai pour tous les enfants, ceux dont les parents divorcent ou qui ont été adoptés. L’héritage n’est pas le même, mais c’est le même raisonnement.
Ce livre se termine par un chapitre sur la résilience. Les premières lignes m’ont inquiété quand Yves Hiram Haesevoets parle « d’opium du peuple ». Il est un fait que tous les concepts à succès passent par un stade de « boursouflure sémantique ». La psychanalyse a été mise à toutes les sauces, particulièrement à celle de l’escroquerie thérapeutique (psychanalyse astrologique) ou à la sauce Western où l’on voit des actrices merveilleuses soigner d’attachants tueurs (Hitchcock). La génétique connait, elle aussi, une boursouflure idéologique où les amoureux de l’hérédité utilisent quelques véritables découvertes pour légitimer une idéologie raciste.
Par bonheur l’évolution des concepts dégonfle rapidement les baudruches intellectuelles qui finissent par donner leur juste place à ces nouvelles idées.
La psychanalyse est une théorie cohérente et une pratique qui soigne. La génétique est une discipline scientifique qui fait des découvertes passionnantes, et la théorie de la résilience aide de plus en plus, les enfants et les ados traumatisés à reprendre un néo-développement, avec dans leur mémoire la trace de la blessure en tant que nouvel organisateur du Moi.
Mais une trace n’est pas un destin, comme nous l’explique l’auteur.
Voilà. C’est un livre solide, clair, didactique où nos débats actuels nous aident à comprendre l’enfance et l’adolescence au XXIe siècle.

Docteur Boris CYRULNIK
Directeur d’Enseignement
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