Constance
Ces transports de courroux n'aboutissent à rien ;
Il faut, à nos plaisir quand le malheur succède,
Se payer de raison quand il est sans remède.
Faites ce que pour vous j'ai fait jusques ici.
Vous m'aimiez, disiez-vous, je vous aimais aussi ;
Vos yeux, qui me cherchaient avec un soin extrême,
m'ont vue avec plaisir, je vous ai vu de même ;
Mon coeur, d'un vain espoir ayant su se flatter,
Dans ses empressements a su vous imiter,
Et préférant enfin votre ardeur à toute autre,
Mon coeur jusqu'à présent s'est réglé sur le vôtre.
Puisque enfin à changer mon âme se résout,
Changez à mon exemple, et m'imitez en tout ;
Si pour un riche époux je vous suis infidèle,
Prenez une maitresse et plus riche et plus belle ;
Cherchez à mon exemple à vous mieux engager,
Et profitons tous deux du plaisir de changer.
Julie
Vous faut-il des serments pour vous en assurer ?
Puissé-je, pour souffrir une gêne éternelle,
Eprouver à vos yeux la mort la plus cruelle,
Que la foudre du Ciel m'écrase à vos genoux,
Si tant que je vivrai vous l'avez pour époux.
Après cela, Madame, êtes-vous satisfaite ?
Bernardille
Ta raison n'est pas forte ;
Le mérite est un sot si l'argent ne l'escorte.
Vouloir sans intérêt faire agir la faveur,
C'est savoir mal son monde, et risquer son bonheur.
Mais avec ce secours, pour peu qu'on sollicite,
L'argent passe, morbleu, sur le ventre au mérite.