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Citation de Cleophyre_Tristan


Hortense, la comédienne à la mode, devait son surnom de Princesse qu'elle ne portait pas trop mal, du reste, à un rôle qu'elle avait créé avec un immense succès.
Amusante et spirituelle à force d'audace, Hortense avait toujours un mot prêt pour enlever le morceau.
On citait ses réparties.
Questionnée un jour sur la mission de la femme sur la terre, elle répondit par ces mots qui devinrent sa devise comme ils résumaient déjà sa règle de conduite :
- User, ruser, muser !
C'était une excellente fille, du reste, ayant, comme on dit, le cœur sur la main, ce qui faisait qu'elle le laissait souvent échapper.
Pendant un instant, Régine était restée silencieuse, ayant l'air de réfléchir. Enfin elle fit signe qu'elle allait parler.
Les six femmes se rapprochèrent et se disposèrent à écouter avec attention.
- Mesdames, dit Régine, comme la célèbre Impéria, comme moi vous appartenez toutes, à divers titres, il est vrai, à la grande tribu des Amoureuses de Paris.
- Tribu des mieux civilisées, répliqua la chanteuse d'opérettes, qui ne savait pas se taire.
- Dans l'histoire de chacune de vous, l'amour a joué un rôle important.
- L'amour ou ce qui lui ressemble, crut devoir rectifier la jeune femme en toilette de soirée.
- Oh ! C'est souvent la même chose, ajouta la comédienne, et presque toujours l'air vaut mieux que la chanson.
- Entre la galanterie et l'amour, je ne vois guère de différence, dit celle qu'on appellait Mme Crésus parce qu'elle était la femme d'un riche financier.
- Pardon, riposta Hortense, la galanterie n'est que la fausse monnaie de l'amour.
- Oui, fit la baronne de Placy, la jeune femme élégante, et la loi ne punit pas les contrefacteurs.
- Au contraire, soupira l'institutrice.
- Voyons, mesdames, reprit Régine, si vous vous mettez à faire de l'esprit, vous ne sortirez plus d'ici. Je reprends. Puisque nous sommes de la même tribu, nous nous devons une mutuelle assistance.
- Oui, une assurance mutuelle contre les sots et les fats, dit la baronne de Placy avec vivacité.
- Au capital de vos beaux yeux, madame, dit Hortense.
- Et avec le plaisir pour dividende, ajouta Mme Maréchal.
- Mesdames, vous êtes incorrigibles ! s'écria Régine. Je me résume...
- Enfin ! fit l'institutrice.
- Au nom de ma mère je viens vous demander votre concours.
- Dans une affaire d'argent ? interrogea la femme du banquier.
- Non.
- Une affaire d'amour alors ?
- Où est la différence ? demanda la marchande à la toilette.
- Vous m'avez volé mon mot, chère madame Maréchal ! s'écria Hortense. Vous le porterez en compte.
- Tout amour est une affaire, dit Régine.
- Oh ! Madame ! protesta timidement l'ouvrière.
- Ma chère, dit la Maréchal, toutes les théories sur l'amour se résument en ces deux mots : recevoir et prendre !
- Enfin, reprit Régine, voulez-vous m'écouter ?
- Nous écoutons.
- Je veux me venger d'une rivale.
Ces paroles de Régine furent suivies d'un profond silence.
Il fut rompu par la comédienne, qui dit :
- Prenez garde, mademoiselle; à ce jeu-là, votre mère, qui était cependant une rude femme, a perdu plusieurs parties.
- Je profiterai de ses fautes pour ne pas échouer comme elle.
- Enfin, cela vous regarde. Mais vous ne nous dites point ce que vous voulez de nous.
Régine, alors, expliqua aux six femmes ce qu'elle voulait, et ce qu'elle voulait était si monstrueux que les objections abondèrent.
- Mais elle est votre sœur ! exclama Hortense.
- Mais elle ne vous a fait aucun mal ! s'écria la baronne.
- Mais c'est tout simplement une infamie que vous exigez de nous ! fit la banquière.
- Je ne vous demande pas votre avis, mais votre concours, répliqua Régine.
- Quel âge avez-vous, mademoiselle ? demanda Mme de Placy.
- Dix-sept ans. Mais en quoi mon âge peut-il vous intéresser ?
- Hélas ! Que je vous plains ! répondit la baronne.
- Pourquoi me plaignez-vous, madame ?
- Parce que n'ayant pas encore souffert, vous voilà déjà mauvaise.
- Eh ! Madame, répliqua Régine avec hauteur, trêve de remontrances !
- Permettez, mademoiselle, riposta la baronne avec fermeté, vous ne sauriez avoir la prétention de nous empêcher de discuter; vous nous demandez notre concours; nous devons examiner, avant tout, si nous pouvons, si nous devons vous le donner.
- Vous oubliez, madame, que je l'exige, ce concours.
- Non, je n'oublie pas. Mais voyons; vous haïssez votre sœur; je veux bien admettre cette inimitié que ne justifient pas complètement à nos yeux vos espérances déçues; mais pourquoi vouloir vous attaquer aussi à Léonie de Rostang, aujourd'hui Mme d'Ormesson ? Pourquoi lui vouloir du mal ?
- Oui, pourquoi ? appuya Hortense.
- Vous êtes trop curieuses, mesdames... Quand ma mère vous a obligées elle ne vous a pas fait de questions indiscrètes. Imitez donc sa réserve et ne songez qu'à vous acquitter de votre dette.
- Madame, dit l'ouvrière, en prenant la main de Régine, je vous en supplie, permettez-moi de respecter Mme d'Ormesson.
Régine regarda froidement la jeune femme, haussa les épaules et retira sa main sans répondre.
- Et quand nous vous aurons servie de notre mieux, serons-nous libres ? demanda l'institutrice.
- Entièrement libres, répondit Régine.
- Bien sûr, là, bien sûr ? insista la Maréchal.
- Que je réussisse ou non, je vous promets que vous n'aurez plus rien à craindre ni l'une ni l'autre. Le dossier des Amoureuses de Paris sera brûlé devant vous.
- Alors, c'est bien, fit la femme du banquier.
- Mais pas de trahison.
- Ce n'est pas notre intérêt, répondit Mme Crésus.
Le moment de se séparer était venu.
Hortense salua Régine.
La marchande à la toilette lui tendit sa grosse main rouge.
L'institutrice lui fit une révérence cérémonieuse, accompagnée d'un sourire hypocrite.
La femme du banquier salua d'un mouvement de tête presque dédaigneux.
Fanny, l'ouvrière, leva sur elle un regard qui était une prière.
Régine y répondit par un mouvement d'irritation.
La baronne était devenue grave et triste; un peu de contrainte se lisait dans ses yeux.
- J'aurai besoin de vous revoir, dit-elle à Régine.
Celle-ci fixa sur la baronne un regard étonné, presque inquiet.
- Quand vous voudrez, répondit-elle.
Les six femmes se retirèrent.
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