AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de Noetique01


Tous les interprètes d'Aristote et d'Averroès qui, eux aussi, identifient l'être à la substance, ont jadis conclu, et concluent encore aujourd'hui que le Dieu d'Aristote est un créateur. En effet, qu'est-ce que créer, sinon causer l'être ? On argumentera donc correctement ainsi : l'être, c'est la substance ; le dieu d'Aristote causait les substances ; donc il cause les êtres, et, par conséquent aussi, c'est un créateur. Mais il en va tout autrement pour qui la substantialité n'est pas le tout de l'être. Si l'existence est un acte constitutif de la substance réelle, la cause première des substances ne sera tenue pour créatrice que si son efficace tombe aussi, et, en un sens, d'abord, sur l'acte premier par lequel la substance existe. Le problème de l'éternité du monde reprend ici son importance, car la notion de création n'implique pas que le monde n'ait pas toujours existé, mais exige que le monde puisse ne pas avoir toujours existé. Cette "possibilité" de ne pas être est précisément ce qu'il manque au monde d'Aristote et de ses disciples authentiques, pour que le problème de son origine radicale puisse se poser.

Pour que ce problème puisse se poser, il faut que l'existence soit autre chose que la simple actualisation de l'essence comme telle [...] Suffit-il d'actualiser au maximum l'essence en tant que tel pour que, sous la pression interne de sa propre perfection, elle éclate pour ainsi dire à l'existence ? S'il en était ainsi, la notion de substance s'ouvrira comme adéquate à la notion d'être et suffira par conséquent à fonder complètement l'ontologie ; mais il faudra renoncer alors à poser le problème de l'existence même des substances. Pour y parvenir il faut concevoir l'existence comme un acte radicalement distinct de l'actualité de l'essence, c'est-à-dire tel qu'il ne suffise pas de porter l'essence au maximum de son actualité propre, pour l'en voir en quelque sorte jaillir. Bref, il faut aller jusqu'à poser l'essence comme "en puissance" à l'égard de son acte d'exister. Si l'on va jusque-là, on dépasse franchement le plan de l'ontologie aristotélicienne de la substance pour atteindre une ontologie de l'existence proprement dite. C'est peut-être là l'effort suprême de la philosophie première, et c'est celui qui a tenté, au 13e siècle, saint Thomas d'Aquin.

p80
Commenter  J’apprécie          10









{* *}