SONGE BLEU
Par la porte d'ivoire, au seuil des nuits sereines,
Voici venir le Songe, enfant du pâle azur;
De son char de saphir sa main saisit les rênes,
Puis les bleus papillons l'entraînent d'un vol sûr.
Il passe, et son bruit, doux comme un chant de sirènes
Berce, dans son sommeil, la vierge, ce lis pur.
Il sème des bleuets sur l'oreiller des reines,
Il pique un rayon d'or au toit le plus obscur.
Alors, dans l'âme en deuil, tout est joie et lumière;
Le pâtre devient prince, et palais la chaumière:
On combat, on triomphe, on aime, on est aimé...
Mais l'aube, en souriant, le chasse, à coup de roses,
Et le Songe qui fuit les paupières mi-closes
Y laisse, perle humide, un long pleur embaumé.
(Rêves et combats)