Le livre
Ils avaient oublié quel était ce livre
mais étaient tous d’accord pour dire qu’il lisait quand ils sont arrivés
dans les parages
avec une longue liste.
Il lisait encore quand le silence s’est fait et que les godillots des gardiens
ont résonné dans la cour comme la terre qui tombe sur un cercueil.
Il lisait encore quand ils ont passé une à une les cellules et qu’on entendait
sèchement les noms et prénoms
puis le patronyme enfin
coup de grâce.
Dans quelle maison sur quels arbres avait-il emporté le livre
sur quel rocher s’était-il assis, pieds nus dans l’écume de la mer
personne n’a su me dire.
Si ce n’est que, lorsqu’ils l’ont interrompu
il l’a refermé avec regret en disant que c’est un beau livre
quel dommage de n’avoir pas eu le temps de le finir.
J’essaierai de le trouver, ce livre-là.
Je l’ouvrirai à sa page cornée
et
s’il m’est permis
je le lirai jusqu’à la fin.
TU T’OBSTINERAS
.
Aussi haut puisses-tu monter, ici tu resteras.
Tu trébucheras et tu tomberas ici dans les décombres
à tracer des lignes
ici tu t’obstineras sans contrainte
sans jamais te réfugier dans une commode détresse
___________________________________jamais dans le mépris
et même si ont la force aujourd’hui ceux qui bâtissent la dévastation
et même si tu vois des colonnes d’hommes partir en rang vers la menuiserie
accepter fièrement
leur chantournement
et se placer dans de strictes cases
_______________________comme des pions.
Toi, tu t’obstineras comme si tu mesurais le temps par la succession des pétrifications
comme si tu étais sûr qu’un jour viendra
où les gendarmes et les vigiles tomberont l’uniforme.
Ici dans les décombres ensemencées de sel
que tu le veuilles ou non, tu avanceras
en calculant l’inclinaison à donner aux niveaux
tu t’obstineras, sciant seul les pierres
que tu le veuilles ou non, il te faut acquérir ton propre espace.