Le corps svelte, les yeux et le rire, la fleur du nénuphar qui s'harmonisait si bien avec le lac et avec l'éclat verdâtre des yeux, me troublaient. Maintenant, elle n'était plus une simple fille, hâlée par le soleil et par le vent, chaque regard avait je ne sais quoi d'étrange. Et il y avait encore quelque chose de bizarre : depuis que je venais au moulin, je ne l'avais jamais vue. J'avais entendu parler de la diablesse du vieillard, mais je ne l'avais jamais rencontrée. Je me trompe, car je me souviens d'un détail que je n'avais pas remarqué tout d'abord. Une fois, j'avais aperçu ces yeux inquiets qui me regardaient par une ouverture des planches du grenier. Je suis certain que c'était ses yeux. Ils brillaient, comme s'ils étaient plein de lumière et de rire. Maintenant, dans la nuit profonde, le baiser de feu me brûlait et j'attendais, j'attendais quelque chose dont je ne pouvais me rendre compte.
(Mihaïl Sadoveanu, La Fée du lac)
À la lisière du bois le petit de la caille, l'aile brisée, se tient tout transi de froid. Après les grandes douleurs qu'il a endurées, il ressent un doux engourdissement. En imagination, avec la rapidité de l'éclair, il revoit les tableaux du passé… l'éteule… un revers de botte sur lequel grimpe une fourmi… l'aile chaude de sa mère. Il se balance d'un côté, de l'autre, puis tombe mort, les doigts de ses petites pattes réunis comme pour une prière.
(I. Brătescu-Voineşti, Le petit de la caille)
J'étais affamé, sans logis et nu,
Mais pour ton sol toujours infatigable ;
Pourtant tu m'as sali, tu m'as battu
Moi ton chien misérable ;
Ah ! parvenu, par le vent apporté,
As-tu peut-être avec l'Enfer traité
Pour vider sur notre dos ta colère !
Nous tolérons les coups, les lourds fardeaux,
Les jougs des boeufs, les brides des chevaux,
Mais nous voulons la terre.
(George Coşbuc, Nous voulons la terre)
Lorsque l'heure de ta mort sonnera, ne regarde pas les ténèbres(de l'Au-délà) qui s'étendent devant toi(tes yeux), mais par contre tourne tes yeux(ton regard) vers la lumière que tu laisse derrière. Et tu t'éteindras/mourras un sourire aux lèvres.
Seule, la source mélodie
Alors que le bois noir se tait,
La fleur même s'est assoupie.
Dors en paix.
(Mihai Eminescu, Nocturne)
De quelle manière se manifestera la primauté française ? Visera-t-elle à des annexions, après avoir créé, par « ordre supérieur », beaucoup d'hommes, exempts de maladie, bien nourris, bien forts, – bonnes bêtes puissantes et soumises – dont elle fera un argument pour revendiquer des territoires étendus ? Les Français soutiendront-ils toutes les richesses de la nature à seule fin d'inonder le monde de leur camelote, dédaignant la probité et dépravant l'art ? Engloutiront-ils humanité tout entière pour alimenter l'invraisemblable troupeau national ? [...] Jassy, le 19 mars 1917.
(Nicolae Iorga, La primauté française)
« Je leur ai donné l'extrême onction à tous les deux », dit-il, en s'asseyant pour un moment de repos sur un tronc d'arbre.
Les lords, qui avaient traversé tant de mers et de pays pour venir en Moldavie chasser l'ours, eurent la chance de les voir tuer de la main d'un autre, sans leur intervention. Ils s'en retournèrent, sans avoir tiré un seul coup de fusil, n'emportant que le souvenir, recueilli au milieu des frissons d'effroi, de la méthode bizarre avec laquelle on tue les ours dans le pays patriarcal des Roumains.
(Nicolae Gane, Une chasse à l'ours)
Un bœuf de fort petite intelligence
Comme d'ailleurs toute l'engeance,
Aidé par un coup du Destin,
Put s'élever au-dessus du fretin,
Dans certain poste d'importance.
Surtout n'allez pas protester,
Si bizarre que cela vous paraisse :
Dans tout pays ne voit-on pas passer
La Fortune avant la Sagesse.
Grigore Alexandrescu, Le Bœuf et le veau
La tête dans le giron de grand'mère, je n'ai jamais été en état d'écouter un conte en entier, car elle avait un giron enchanté et une voix et un fuseau qui me surprenaient sans que je m'en aperçoive et je m'endormais, heureux, sous son regard et son doux sourire.
(Barbu Delavrancea, La grand'mère)
L'automne prochain, trois collines et trois vallées plus loin, à l'ombre d'un tilleul, se trouve un petit berceau. Scormon est couché près du berceau et regarde en silence l'enfant qui joue avec ses petites mains en murmurant des paroles d'un sens mystérieux.
(Ioan Slavici, Une idylle)