A Conversation with Mohamed Moncef Marzouki .
Moncef Marzouki, président de la République de Tunisie face au Council on Foreign Relations - 25 septembre 2013
La violence qui ne peut s’extérioriser est retournée contre soi. C’est le démarrage d’un processus qui verra flamber usage des stupéfiants, criminalité et suicide. La société, ne pouvant exploser, implose. Un peuple et un Etat,par la faute d’un individu incompétent et d’un régime qui dysfonctionne à tous les étages, se mettent lentement à agoniser.
Le présent est, comme les territoires…occupé. L’avenir est quant à lui bouché par des régimes décidés à ne rien changer, sauf à donner le change. Le
dictateur tunisien aime répéter que la démocratie n’est pas un prêt-à-porter. Mais la dictature, elle, l’est.
Nous savons pertinemment que la démocratie n’est pas la panacée. Elle ne règlera pas d’un coup de baguette magique nos problèmes sociaux et économiques. Mais nous savons aussi qu’elle est la condition nécessaire, même si elle n’est pas la condition suffisante, pour cette renaissance, tant espérée, tant attendue, tant promise, mais qui ne s’est jamais réalisée car nous avons oublié de mettre dans nos projets de libération l’ingrédient essentiel :la liberté.
En politique, le combat est de tous les instants. Ce ne sont pas nécessairement vos ennemis qui vous portent les coups les plus douloureux. Quelques bons amis qui sont aussi de féroces rivaux savent vous infliger les blessures les plus saignantes. Dans cette jungle, je me suis mis à l’école de l’éléphant, essayant d’être moi aussi une bête herbivore,pacifique, mais assez forte pour me frayer un chemin en tenant à distance carnassiers et charognards.
Le dictateur continue à débiter ses fausses réalisations et à aligner les promesses. L’homme s’y connaît en faux et usage de faux. Il est l’architecte d’une fausse démocratie, de faux droits de l’homme, d’une fausse stabilité, d’une fausse solidarité nationale, d’une fausse opposition, des faux indicateurs économiques. Sous son régime, à l’exception de la répression et de la corruption, tout Le dictateur continue à débiter ses fausses réalisations et à aligner les promesses. L’homme s’y connaît en faux et usage de faux. Il est l’architecte d’une fausse démocratie, de faux droits de l’homme, d’une fausse stabilité, d’une fausse solidarité nationale, d’une fausse opposition, des faux indicateurs économiques. Sous son régime, à l’exception de la répression et de la corruption, tout est simulacre.
La vie est comme un voyage où nous marchons sur un chemin qui bouge sous nos pieds, prenant les directions les plus incongrues. Des croisements de route aux brusques dérapages, le destin fait basculer votre vie.
Si on la considère comme une mauvaise et vigoureuse herbe qui envahit en permanence le champ du pouvoir dont elle fait structurellement partie, le problème est de mettre au point une bonne tondeuse qu’on passe et repasse au fur et à mesure de la repousse inévitable. Cette tondeuse, ce sont la presse et la justice indépendantes. Présentes en démocratie elles dégagent régulièrement les allées du jardin. Rouillée ou sous clé, la tondeuse en dictature est incapable de faire son travail.Voilà le jardin envahi par le chiendent étouffant les roses et le géranium.
Les humains sont la plupart du temps opaques les uns aux autres. Ils tiennent à le rester et , pour ce faire, ils ont mille ruses dont la plus affectée des franchises. Encombrés de masques, jouant le rôle de leur propre personnage, plus celui d’un nombre incalculable de « je » parasites, ils sont toujours dans un ailleurs flou et incertain où ils se perdent pour eux mêmes et pour les autres. Quand se produit le miracle de la rencontre, tout se passe comme si les deux êtres avaient abandonné les masques empilés, le jeu des statuts et des rôles.
La règle du dictateur est simple : dire l’exact contraire de ce qu’on fait, et faire l’exact contraire de ce qu’on dit. Il ignore superbement le principe selon lequel on peut mentir une fois à une personne mais non mentir tout le temps à tout le monde. Nous ne sommes plus dans le mensonge banal de la politique, fin, caché sous des couches successives de semi vérités.Ici on nage en pleine perversité. On torture en se glorifiant d’avoir signé la Convention internationale contre la torture.
Le plus grand crime de la dictature est d’avoir saccagé,dévasté et détruit l’estime de soi chez tous les Arabes. Seul le dictateur a droit à la valorisation poussée jusqu’à la nausée.Ses séides pourront ramasser quelques miettes du fait de la
puissance qu’ils tirent de son voisinage. En fait, le prix qu’ils doivent payer en humiliations secrètes est tout aussi prohibitif que celui de Monsieur Tout le monde, souvent pire.