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Critique de gouelan


« Je dormais parmi les oyats, dans le sable chauffé par les rayons du soleil. Au-dessus de la mer argent, piqué par les sternes, se déployait un ciel acide. Au milieu du sommeil j’ai entendu gueuler les goélands, j’ai ouvert un œil, un cormoran plongeait avant de ressortir quelques mètres plus loin, le bec tendu vers la lumière, où scintillait un minuscule poisson. À ma droite, la plage filait vers la pointe, long trait de sable blanc butant sur la falaise, déjà jaunie par les ajoncs. L’aubépine aussi y fleurissait, parmi les liserons, les arméries et les queues- de- lièvre. À gauche la presqu’île s’enfonçait dans la mer. »

On pourrait croire que Paul est en vacances. Mais non, c’est un romancier qui cherche l’inspiration dans ce Finistère balayé par les vents et les marées. Ce coin de paradis est aussi son refuge. Paul est un « périphérique », il vit en lisières de sa vie, en spectateur.

Ce roman n’est pas seulement centré sur la détresse de Paul. Il est aussi une image de la société dans laquelle nous vivons. Les plus pauvres, le prolétariat, qui luttent pour avoir une vie décente. Victimes du système économique, des décisions prises dans les hautes sphères, de l’hypocrisie et des magouilles des grands de ce monde. Ils sont résignés car c’est la seule réalité qu’ils connaissent, le seul horizon tangible.

Les politiques jouent avec leurs vies, font des promesses, des expériences. Ils sont un peu comme ces footballeurs qui jouent à la baballe, mais qui ne sont que « de grands gamins couverts de pognon ».

Leurs enfants se débattent comme ils peuvent avec l’orientation scolaire. Ils suivent souvent les traces de leurs parents, ils quittent difficilement leurs lieux de naissance, leur environnement. Ensuite ils triment avec leurs petits boulots, leurs CDI, leur chômage. Parfois, ils arrivent à se payer des loisirs, de quoi avoir l’impression d’avoir réussi. Ils font de leur mieux, ils font ce qu’ils peuvent.

Certains s’en sortent. Paul en fait partie. Pourtant il n’arrive pas à trouver sa place. Il trahit les siens en sortant de sa classe sociale, une barrière se crée. C’est une réussite, mais elle a un goût amer, elle a le goût du sacrifice de ses parents. Il ne se sent pas non plus d’appartenance à son nouveau milieu. Il sera toujours l’écrivain issu d’un milieu modeste.

Son métier, qui peut donner l’impression de brasser du vide, dont la lenteur s’oppose à ce monde en pleine vitesse, ne l’aide pas toujours à s’affirmer. On le croit toujours en vacances, libre et inconscient des réalités de la vie, se plaignant sur son propre sort. Il écrit les misères de la vie, alors qu’il semble être à l’abri de ces tourments, de par son statut social. Pour son entourage familial, ses amis d’enfance, il n’est pas crédible. Il est passé de l’autre côté.

Malgré tout, cela n’explique pas sa détresse, la Maladie qui le ronge depuis son enfance.

Quel secret fait que sa vie s’est fondée sur des sables mouvants, faisant de lui un homme suspendu dans le vide, n’appartenant ni aux gens, ni aux lieux, pouvant flancher au moindre coup de vent ?
Peut-on se réinventer une vie en posant ses valises dans un lieu neuf et sans mémoire ?
Faire de sa vie de de « l’esthétique » et non du « pratique » ? S’affranchir de son passé et vivre ses rêves ?

C’est un beau roman sur le manque d’amour ou sur l’incapacité à le communiquer, cette blessure ouverte chez l’enfant, qui peinera à se refermer. C’est aussi une histoire d’une classe sociale, pudique, habituée au labeur, au mutisme et à la résignation.
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