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Critique de Olep


Olep
12 février 2020
J'ai choisi ici de ne mentionner que le premier article de l'ouvrage de Giorgio Agamben. Il s'agit du texte intitulé "Aby Warburg et la science sans nom". Ce livre a été publié en Italie en 1984 et traduit par les édition Hoëbeke en 1998. On retrouve ce texte d'une part dans "Image et mémoire, écrit sur l'image, la danse et le cinéma" édité en 2004 (Desclée et Brouwer ) mais aussi, je crois car non consulté, avec une autre traduction dans "La puissance de la pensée" (Rivages 2006).
J'ai découvert "Image et Mémoire" et le texte sur Aby Warburg en 1998. Peu de textes de ou sur Aby Warburg existaient en français. On peut noter toutefois, la parution, la même année, du livre de Yves-Alain Michaud "Aby Warburg et l'image en mouvement" (Macula, 1998). Mais le texte de Giorgio Agamben, en quelques dizaines de pages, montraient la "puissance de pensée", l'épaisseur, la capacité d'invention de cet immense historien de l'art qui bouleverse l'approche formelle et traditionnelle de cette discipline.
En quoi ce texte qui reste fondateur pour moi est-il si important?
Giorgio Agamben présente non seulement la recherche inouïe de Aby Warburg mais il l'associe également à l'âme et la personnalité de son auteur. L'une et les autres sont intrinsèquement liées. Il n'y a pas séparation.
Pourrait-on dire que Aby Warburg, dans son interrogation quasi vitale sur l'image aurait été un des tous premiers historiens de l'art à introduire, avec son concept de "pathosformel" la dimension de l'affect que peut contenir l'image? Je l'ignore. Mais, en rendant impossible la séparation de la forme avec le contenu, "il désigne l'indissoluble intrication d'une charge émotive et d'une formule iconographique" (G.A., p.11).
Dans sa thèse sur "Le Printemps et La Naissance de Vénus" Aby Warburg met le doigt sur le profond conflit spirituel dans la culture de la Renaissance qui devait concilier les contenus orgiaques des "pathosformeln" de l'antiquité classique d'une part et le christianisme d'autre part. Quelque chose d'inconciliable. Son étude approfondie de la nymphe devient "la marque d'une polarité pérenne de la culture occidentale, scindée par une schizophrénie tragique". Cette schizophrénie est fixée par Warburg dans une des notes les plus denses de son journal : "il me semble parfois qu'en historien de la psyché, j'ai essayé de faire la diagnostic de la schizophrénie de la civilisation occidentale à travers son reflet autobiographique : la nymphe extatique (maniaque) d'un côté et le mélancolique dieu fluvial (dépressif) de l'autre..."" (G.A. p. 30). Bien sûr, nous sommes là sur les traces de Nietszche et tout particulièrement de "La Naissance de la Tragédie".
Ce qui m'intéresse plus encore est l'Etude de Aby Warburg sur les fresque du Palais Schifanoia à Ferrare où il découvre (dans l'intérêt des détails) la présence de figures astrologiques et donc, à nouveau, de l'ambiguïté de la culture de la Renaissance. Lors d'un congrès en 1926 où il présente des images astrologiques, Warburg dit que ces images montraient" au-delà de toute contestation que la culture européenne est le résultat de tendances conflictuelles, un procès dans lequel, en ce qui concerne ces tentatives astrologiques d'orientation, nous devons chercher ni des amis ni des ennemis, mais à la rigueur, des symptômes d'un mouvement d'oscillation pendulaire entre deux pôles distants, celui de la pratique magico-religieuse et celui de la contemplation mathématique" (cit. G.A.p.31).
La science sans nom comme diagnostic de l'homme occidental.
Et aujourd'hui ?
Le diagnostic me semble garder toute son actualité. Pouvons nous parler d'une "oscillation entre deux pôles" ? entre rationalité et irrationalité, entre poésie et philosophie, art et science? certainement encore... Même si.
Pourtant, en ces années 2020 je vis cette ambiguïté. Très curieuse et intéressée d'une part par les connaissances parallèles aux savoirs officiels, de tous ces écrits et images qui ont largement nourries poètes, écrivains et artistes et d'autre part, attirée par une connaissance qui occupe un terrain plus balisé, officiel et institutionnalisé : Une grande intelligence parfois, une sécurité certaine.
Dans ces "oscillations pendulaires"entre ces pôles qui nous sont quasiment consubstantiels, les "vies posthumes" ou survivances, païennes (Nachleben) ou non, semblent réclamer leur part d'existence.
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