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Critique de Dandine


Jose Eduardo Agualusa m'a conduit a Luanda, en Angola, un peu au sud des tropiques. Je n'ai pas vu grand chose, confine la plupart du temps dans une maison. Je me suis surtout promene dans sa prose, chaude, tropicale, poetique, avec des effluves de realisme magique et des relents de Borges. Baroque.


J'ai croise un gecko (un lezard salamandrin? une salamandre lezardophile?) qui voit tout et raconte tout, y compris ses reves et ses souvenirs d'une vie anterieure, ou il etait homme; j'ai rencontre un noir albinos feru de livres qui invente des genealogies prestigieuses (force preuves a l'appui) a tout ceux qui le sollicitent, habillant leurs reves les plus extravagants de realite.


Mais pour ne pas me montrer Luanda, Agualusa m'a entretenu de Lisbonne, Rio de Janeiro, New York, Berlin, Paris, le Vatican, le Pakistan, l'Inde. Il a essaye de m'eblouir, convocant Eca de Queiros, Bakounine, Bruce Chatwin, Montaigne, Borges (le gecko n'est pas une reincarnation de Borges, voyant de nuit et affectionnant des termes desuets?), les fugues de Bach, la musique cubaine. Vers la fin du livre j'ai cru comprendre: Luanda traine trop de souvenirs des horreurs de la guerre fratricide declenchee apres la decolonisation.


La prose d'Agualusa est affriolante. Je pourrais en tirer de nombreuses citations (je le ferai peut-etre). Il suggere des considerations sur la memoire, son poids, sa construction ou sa deconstruction, assez singulieres, sinon tout a fait novatrices. La memoire qu'on delaisse, la memoire qu'on s'invente. Des speculation sur la relativite de la verite: "la grande difference entre la dictature et les democraties, c'etait que dans le premier systeme il n'y a qu'une verite, la verite imposee par le pouvoir, alors que dans les pays libres chacun a le droit de defendre sa propre version des evenements. La verite, a-t-il dit, est une superstition". Et plus loin: "la verite aussi est en general ambigue. Si elle etait exacte elle ne serait pas humaine. ... permettez-moi de citer Montaigne: rien ne semble vrai qui ne puisse sembler faux".


En fin de compte le livre m'a laisse un peu confus. Trop de materiaux, eparpilles, qui m'ont eparpille (en me charmant, il est vrai), dont je n'ai pas completement saisi le propos. Comme si Agualusa n'avait voulu que m'epater par sa verve, par des images bigarrees, par une ecriture bariolee. J'ai senti que la fin est parachutee, comme par un procede de "deus ex machina", a peine raccordee a tout ce qui precede. La fin se mesure a la memoire historique angolaise, mais tout le reste? C'est comme si, ne en Angola, Agualusa se cherchait, cherchait par ce livre sa vraie patrie, son ultime identite: africaine? portugaise? sud-americaine? lusophone? Je pencherais por cette derniere alternative: il a sejourne dans beaucoup d'endroits, sous divers climats, en diverses epoques de sa vie, et je crois deviner que partout, toujours, c'etait en lusophonie.


Il m'intrigue, Agualusa; je m'y replongerai.





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