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Critique de mariecesttout


Daniel Alarcón, né à Lima et est arrivé aux Etats-Unis à trois ans. Lui n'a pas souffert dans sa chair de la dictature, mais chez les Alarcón, tous les dimanches, on écoutait sur cassettes les enregistrements des messages de la famille restée au pays. de 1980 à 2000, le Pérou fut plongé dans une guerre civile qui a fait 69 000 victimes, morts ou disparus. L'un d'eux était le grand oncle de Daniel.
Quinze ans plus tard, le jeune homme a eu envie de se pencher sur cette période sombre, quasi invisible tant "on n'en parlait pas". Venu à Lima pour ses études d'ethnologie, il ramasse rapidement la matière d'un futur livre.
C'est en donnant des cours de photos à des jeunes Quetchua qu'il entend parler pour la première fois de villages fantômes. Abandonnés par leurs habitants à cause de l'armée et des guérilleros, ou pour des raisons économiques, ils ont été rayés des cartes. Or, "lorsqu'on n'a plus de nom, on n'existe pas". Afin d'aider les familles à retrouver leurs proches, une émission de radio, Buscapersonas (Perdu de vue) permet aux auditeurs de donner à l'antenne les noms des disparus, aboutissant "parfois à des retrouvailles spectaculaires".
Ce sera le sujet de ce premier livre, Lost City Radio.

C'est donc un roman américain, mais il semble difficile de ne pas le classer dans la littérature sud-américaine , du fait de l'origine péruvienne de l'auteur d'abord, et du thème abordé ensuite.
Dans un pays d'Amérique du Sud qui n'est jamais cité ,dix ans après la fin d'une guerre civile, il est vivement conseillé d'avoir tout oublié et de ne pas évoquer le passé.Les langues indigènes sont proscrites, les villages n'ont plus de nom mais des numéros, quant aux nombreux disparus, ont-ils même existé?
Il y a bien une émission de radio, le soir, très tard , et les auditeurs peuvent participer, citer des noms, lancer des avis de recherche. Emission souvent truquée, d'ailleurs, mais animée par Norma dont la voix est aimée de tout le pays.
Un jour arrive à cette station de radio un enfant porteur d'un message et d'une liste de noms.
Le message dit ceci:
" Chère Madame Norma,
Cet enfant s'appelle Victor. Il est du village 1797 dans la jungle orientale. Nous, les résidents de 1797, avons mis en commun nos économies pour l'envoyer à la ville. Nous voulons que Victor ait une meilleure vie. Il n'y a pas d'avenir pour lui ici. S'il vous plait, aidez nous. Vous trouverez ci-joint la liste de nos disparus. Peut être qu'un de ces individus pourra prendre soin du garçon. Nous écoutons Lost City Radio toutes les semaines. Nous adorons votre émission.
Vos plus grands fans Village 1797"

Ce que ces fans ne savent pas, c'est que sur cette liste, il y a le nom de son mari, Rey, un ethnobotaniste parti étudier un village dans la jungle,et dont elle est sans nouvelles depuis dix ans.
Va commencer pour Norma une remontée dans le temps , et la recherche, périlleuse, du sort de son mari. Recherche d'autant plus difficile que les mots sont pervertis, dépouillés de leur sens, comme dans toute bonne dictature. Toute guerre, nous dit Alarcón, s'attaque d'abord au langage.

Roman touffu, dense, et très bien mené dans ses allers et retours. La première moitié est saisissante. J'ai peut être moins accroché à partir du moment où l'on sait qui est ce Victor.. je n'en voyais pas la nécessité.
Mais à lire, assurément , pour cette plongée dans un univers orwellien glaçant.

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