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Critique de topocl



« Il est vrai que l'absurde, lui, était devenu quelque chose de familier, de quotidien, avec quoi nous étions habitués à cohabiter depuis une dizaine d'années, vivant dans un État qui n'était pas un vrai État, participant à une guerre qui n'était pas une vraie guerre, nous soumettant à un pouvoir qui s'était investi lui-même du pouvoir, et nous transformant en une île qui dérivait, détachée du monde, telle une colonie de lépreux dont plus personne ne voulait se soucier. »

Déambulation dans Belgrade, peuplée d'hommes aux lunettes noires, de vieilles tricotant sur un banc, d'ombres qui disparaissent l'instant d'après, dont les ascenseurs sont souvent cassés et les entrés d'immeubles sales et sentent l'urine. Déambulation dans le labyrinthe des pensées, réflexions , émotions et interrogations du narrateur avide de signes, de sens et de digressions obsessionnelles, et qui se débat au sein d'un engrenage de questions sans réponses.

« Rien de plus ennuyeux qu'un récit morose où rien ne nous entraîne par moments dans une autre direction que celle du récit lui-même, pour nous distraire, nous égarer et, quand nous nous croyons totalement fourvoyés, ouvre la porte qui nous ramène là d'où nous étions partis. Même si nous ne nous sommes pas éloignés de la morosité, du moins avons-nous respiré un air frais, à pleins poumons , pendant un moment. »

Est-on dans le domaine du rêve, de l'hallucination nourrie de fumée de cannabis, du délire paranoïaque, de l'absurde ou dans un conte moderne mâtiné d'interprétation cabalistique et numérologique ? le héros a t'il les pieds sur terre , pris dans la nasse d'un complot aux ramifications étranges, ou glose t'il sans fin sur de pseudo signes sans objet ?

« Mais un moment plus tard, je me demandais ce que j'étais en train de faire : le pays est en décomposition, les menaces de bombardements pèsent au-dessus de nos têtes comme des fruits trop mûrs, les gens se désarticulent comme s'ils étaient faits de cubes Légo, c'est tout juste si l'on n'élève pas la folie au rang d'état normal, et moi je fais joujou avec des mystères cabalistiques, des complots antisémites et je perds des heures et des jours pour découvrir qui a laissé dans la vase du fleuve des traces depuis longtemps effacées. »

Toujours est-il qu'il vit dans un monde de chaos, de contrainte, de peur, un univers à peine émergé d'une guerre pour tomber dans une « dictature qui se donnait pour une démocratie », « un pays tourmenté, ruiné, où ceux qui arrivaient à garder un semblant d'espoir étaient plus que rares », un terreau parfait pour l'émergence de la folie et de la haine : profanation de cimetière juif, graffitis antisémites, traques et passage à tabac émaillent son histoire.

Pris entre la rationalité moqueuse de son ami Marko, les élucubrations de trois vieux Juifs adeptes de la Cabale, les apparitions fugaces d'une jeune femme aux cuisses blanches, les intimidations d'un groupuscule nationaliste antisémite, et les manuscrits surnaturels, le narrateur est emporté sans pouvoir s'en défendre dans un diabolique tourbillon fantastico-réaliste. un « tourbillon qui engloutissait tout ».

Je me suis souvent perdue dans les digressions ; la Cabale et les démonstrations mathématiques me sont restées hermétiques et je n'ai pas toujours compris grand chose de plus que le narrateur, et même plutôt moins... Mais :

« Il faut bien d'ailleurs que les mystères restent des mystères »

Cette course absurde après la valeur des mots, semée d'embûches et de fausses pistes, ce cri d'angoisse face à un monde obscur et rejetant, où l'âme devrait parvenir à nous sauver, n'en demeurent pas moins intrigants et troublants.


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