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Critique de Cesvaine


Parcourir l'espace temps à bord d'un vaisseau presque invisible, d'une humilité extrême, dans ce petit corps hermaphrodite à la merci du moindre vent, de la moindre crue, du moindre pas humain écrasant de tout son poids ses microns si conscients, voici ce nous offre Maïa ALONSO grâce à ce conte mystérieusement envoûtant.

L'espace : l'Iffriqiya, un nom déjà peu commun dès le départ qui intrigue les lecteurs novices. Ce nom heurte à la première lecture et puis on s'y habitue, on finit même par l'aimer ce territoire tant convoité, exploité, adoré, bousculé, violé, outragé par ces incessants envahisseurs peu scrupuleux au départ mais qui se sont assimilés, mélangés, métissés pour que Grain de Bled soit finalement fier d'en recevoir les confidences.

Le temps : des rencontres de peuples, d'hommes, de femmes tous aussi uniques dans leurs ressemblances en quête de nouvelles terres, de nouvelles richesses, avides de commercer, d'échanger, de piller, de construire, de détruire, d'enfanter. Ce conte des mille et un grains nous emporte dans un voyage extraordinaire sur les traces des fils et filles de Canaan, des Phéniciens, des Carthaginois, des Romains, des Vandales, des Byzantins, des Arabes, des Espagnols, des Ottomans et des...

C'est une histoire d'éternelles conquêtes d'une terre fière qui refuse d'être conquise même si elle finit toujours par aimer ses maîtres. C'est une histoire d'éternels exils de peuples fuyants des terres pour faire germer ailleurs leurs graines d'espoir d'un monde meilleur.

« Si l'exil ne vous tue pas sur le coup il vous donne des ailes ». Ce petit grain de regard observe les envahisseurs ultramarins ou étrangers à cette terre d'Iffriqiya la conquérir et l'asservir. Une seule manière de fuir cette éternelle destinée « S'exiler » d'une île terre aux sables ocres vers le ciel-mer, l'horizon sans fin. Cet ultime exil Maïa ALONSO n'en parle pas ouvertement. Et pourtant... Comme on voit arriver en provenance de Tyr dans la baie de la future Carthage, la magnifique Reine Didon, on voit également Grain de Bled trahi par des marabouts en qui il faisait une totale confiance tout à coup noyé dans un lit d'eau qui lui fait soudain changer de destin. Les bateaux n'arrivent alors plus à Carthage mais quittent le port d'Alger en flottant sur une mer de larmes. La reine qui n'est plus phénicienne mais algérienne, autre temps, autre espace, devra désormais faire grandir ses enfants sur une autre terre où il n'y a pas de jupes de dunes mais des bérets de montagnes, des dunes fixes.

Grain de Bled est encore là mais dans un autre état. Il était juste pousse hier, aujourd'hui il est peuple lié. Il est l'âme nomade de Maïa ALONSO... et comme demain n'existe pas...

A l'image de ce petit grain si humble nous les humains parfois si ethno et égo centriques nous pouvons grâce à ce conte narrant le destin tumultueux et chanté d'Iffriqiya dédramatiser nos destins de conquérants ou d'exilés. Tout est dans tout, nous sommes tout. Maïa ALONSO l'a si bien compris, l'exil n'existe pas car l'Algérie est dans son Grain de Bled, l'Algérie est dans chaque micron de son corps mutable... Point besoin alors de nostalgie d'une terre ocre qui existe, qui vibre, qui souffle dans chaque particule vivante de son âme immortelle... La terre n'appartient à personne, elle nous est prêtée. « N'oublie pas ton seul refuge c'est l'horizon infini ».

« Tu dois repasser par chacun des chapitres du temps pour arriver à ton jour ». Ce conte est l'histoire de la transformation, du passage, du changement, du voyage, moment si effrayant pour nous pauvres humains. Pour revenir à l'état de tout ou pour en reprendre à nouveau conscience il faut toujours revenir en aval à la source pour comprendre l'amont et pouvoir enfin en toute confiance se jeter dans les bras de l'invisible... de l'autre côté...

© LB
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