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Critique de nilebeh


ce petit roman est écrit par un auteur togolais venu en résidence en France, à Brive, avec le soutien du Centre national du livre.

Ce séjour de quelques mois est ici transposé en Touraine, dans le petit village de Moisant peuplé de mille habitants. Et on assiste à l'installation de l'écrivain dans un presbytère vieillot, quasi monacal qui le fait d'abord réagir par un sentiment bref de vexation. Impression vite dissipée lors de l'accueil officiel du village, au cours d'un pique-nique réunissant des personnages engagés dans le projet, vision d'abord globale de ces Français intéressés par l'acte d'écrire, par l'Afrique aussi (même si on s'aperçoit vite de leur ignorance sur le sujet : une participante interroge sur « les fruits qu'on mange » là-bas!).
Vision panoramique donc qui se resserre au fil des pages, Théo se mettant à raconter au jour le jour les invitations des membres de l'association qui l'a fait venir. Alors se précisent des figures très humaines, avec leurs fêlures et leur charme : Yvonne, présidente de la Maison des écritures, souffrant d'une sclérose en plaques mais qui affirme hautement que « dans la vie rien ne vaut le cul et la bouffe. » ;
Michèle, toujours un crayon à la main et qui dessine comme elle parle, entraîne Thé chez les uns et les autres et lui fait découvrir ses richesses d'objets récupérés et transformés en oeuvres d'art. Elle l'emmène un jour visiter une habitation troglodyte et lui raconte la « trahison » dont elle a fait l'objet de la part de son amant. Théo découvre, ahuri, ce mode de vie improbable sous la terre.
Et ainsi de suite.
Chacun se livre à Théo, expose ses blessures et ses idées. L'oralité, si vivante en Afrique, s'exprime ici pleinement. Lui, l'Africain que tout le monde tutoie au premier abord (ce qui le gêne un peu et on le comprend), devient une sorte d'oreille vivante. Curieusement, il entend, il écoute, mais il ne commente pas, ne console pas, n'interroge pas. Il laisse simplement venir les mots. On ne l'entend pas trop prendre la parole non plus. L'écriture est descriptive, soignée, mais un peu vide de sentiments et d'émotions, un peu sèche comme le carnet de notes d'un anthropologue ou d'un ethnologue qui rassemble la matière à étudier plus tard.
Sauf quand son regard se pose sur un décolleté bien fourni...Ou quand il s'agace de l'intérêt (excessif!) porté par les Français aux chiens et aux chats, si peu chouchoutés en Afrique où il y a d'autres urgences.
Il y a quelque chose de savoureux dans l'ironie de ce comportement d'observateur d'une tribu tourangelle par un Togolais attentif...

L'intérêt du roman est réactivé régulièrement par les allusions à ce Louis Ribassin qui propose, non, qui ordonne, que Théo l'Africain vienne déjeuner chez lui en fin de séjour. Comment dire non à cet important personnage qui finance l'opération ? Théo est en quelque sorte son « locataire » puisqu'il loge dans un bâtiment entretenu et chauffé par ce Ribassin. On parle de lui avec mépris mais aussi avec appréhension. Il a été très puissant, conseiller de tyrans africains, acteur ripoux de la Françafrique et encore pénétré de sa supériorité pourtant obsolète. Si le roman est « à clefs », il faut chercher qui se cache derrière ce nom de Ribassin. Ils sont connus ceux qui, au prix de l'indignité, ont aidé à la corruption et au pillage du continent africain. Il suffit de voir ce que sont devenues certaines richesses artistiques, aujourd'hui bien loin de leurs pays d'origine...

Et finalement, bien sûr, l'entrevue aura bien lieu.

Pour conclure, ce roman, qui n'en est pas un tout – à - fait, est plein de charme et les observations de Théo Ananissoh ne manquent pas de saveur mais il me semble qu'il ne nous dit pas tout. Pour avoir fréquenté pas mal d'Africains et avoir entendu leurs commentaires sur les Blancs, il me semble que Théo Ananissoh a plutôt édulcoré son ressenti face à nos habitudes de vie. Trop bien élevé, sans doute !

Mais décidément, les éditions Elysad me plaisent beaucoup !
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