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Critique de Krout


Krout
17 février 2017
C'est un bien beau livre érudit que le Mont des Oliviers que j'ai pu apprécier dans le format de qualité des éditions Turquoise reçu par le biais de l'opération masse critique de janvier. Et la prose de Falih Rifku Atay déployée dans ce que je qualifierais ses cahiers de campagne de la grande guerre et du crépuscule de l'Empire Ottoman est tout à fait plaisante et remarquable. A juste titre ce journaliste reconnu, témoin attentif et privilégié de son époque, est présenté comme un des grands écrivains turcs.

Il convient donc de remercier ces différents intervenants qui m'ont permis de me familiariser avec les événements dramatiques qui émaillèrent les débuts turbulents du XX ème siècle par un angle tout différent de celui auquel l'on m'avait accoutumé. Cependant et sans vouloir faire offense à quiconque, mes pensées vont d'abord à Asli Erdogan dont la poétique plume acérée et l'humanité dans l'exercice de ce même métier pour témoigner des faits de notre époque lui ont déjà valu plusieurs mois d'incarcération dans d'infâmes conditions et lui valent de passer en jugement définitif en mars. Ce sont en effet les turbulences actuelles et ce drame contemporain si proche qui m'ont amené à cibler les éditions Turquoise et ce livre dans ma sélection. Oui je voudrais mieux comprendre la Turquie porte sur l'orient que je connais si peu.

Durant toute cette lecture je n'ai pu m'empêcher de mêler le présent au passé, de faire de rapides allées et venues, de scruter à un siècle de distance des indices de ce qui pourrait être l'avenir proche qui s'annonce tout aussi troublé. Ainsi bien plus encore qu'elles ne s'appliquent à Falih Rifku Atay je fais miennes ses paroles : "Dans ma tête, tout est confus : guerre sainte, Empire ottoman, Dieu et Prophète. J'ai envie de rire." p.93 Lecture éclairante donc qui transcendée par la poésie d'Asli Erdogan m'inspire ceci :

Et coule le Bosphore
Alors que la corne d'or
Au loin la mer sera noire
Et noirs sont les jours pas si lointains
Ici contés

Etroites les Dardanelles

Au bout du désert
Sera le Canal
Par delà les Pyramides
Finalement El-Quantara
Et le lac Amer

Du sable,
Du sable entre les mains
Un siècle s'est écoulé
Et de ces châteaux de sable
Il ne reste rien
Tout semble recommencer
En vain !

Ces cahiers, ma foi fort bien écrits, racontent le parcours et les combats aux frontières de l'empire déclinant. Mais aussi et surtout nous baladent dans les arcanes du pouvoir, nous font découvrir les jeux peu reluisants qui l'accompagnent et les luttes intestines qui forcément ...
Un triumvirat de Pachas chacun voulant être le seul à se forger un nom pour entrer dans l' Histoire. C'est encore la même qui bégaye toujours risible, toujours cruelle, toujours futile.

Je ne sais pas au juste pourquoi loin de me déprimer ce livre me réconforte sur les capacités de résilience de notre humanité. Sans doute le fait qu'elle aie si souvent survécu à tant d'atrocités que s'infligent les hommes entraînés par la vanité de quelques égos monstrueux dans une tourmente qui échappe totalement à leur contrôle. Je vais donc laisser les morts enterrer les morts pour concentrer en priorité mes regards sur Asli Erdogan afin de communier et sympathiser par mes lectures de son vivant car ici le temps nous est compté et de plus en plus incertain. Malgrès tout rien n'est plus merveilleux que la vie.

Du reste il me semble connaître une personne de mes amies au demeurant fort érudite qui saura, je le sais, hautement apprécier le Mont des Oliviers. Aussi soudain se mêle aux parfums venus d'orient celui d'une promesse ;)

Pour tous ceux qui comme elle s'intéressent à l' Histoire j'offre cet extrait à leur sagacité : "L'Anatolie a écrit les nouvelles épopées de son existence mystérieuse sur huit fronts différents dont certains étaient couverts de neige et d'autres exposés à un soleil ardent tout au long de l'année. Dans chaque ligne des communiqués officiels que nous ne voulons même pas lire aujourd'hui, est décrite une scène de ces fronts. [...] Je ne peux pas prétendre que mes écrits soient les meilleurs du genre, mais ils sont malheureusement les seuls ; c'est la raison pour laquelle je les fais éditer." p.177-78
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