Héros anonymes

Avec son physique de "trop-belle-pour-toi", la magnifique Saphia continue de jouer la carte facile mais efficace (du point de vue "marketing") du contrepied, en abusant, souvent, d'un langage de charretier et en déployant, parfois, une langue vive, imagée, truculente. On la suspectait, l'ambition démesurée, inavouable, d'écrire comme le "Grand Ecrivain". Elle est enfin assumée, cette insolente idée, en préambule du roman, avec cette citation de Céline et son "Bagatelles pour un massacre", qui, comme chacun sait, fait partie des oeuvres les plus controversées (et jamais rééditées) de l'auteur. Quelle folle prétention, trop souvent caressée mais rarement affichée par des écrivains pourtant bien plus talentueux ! Si Azzédine (puisque l'on cite les auteurs par leurs noms) s'en sort plutôt bien avec cette histoire de jeune métisse en quête de repères, l'équilibre reste tout de même d'une grande fragilité, et l'on sent trop souvent l'envie de faire un bon mot plutôt qu'un bon texte, la forme l'emportant trop souvent sur le fond. Reste quelques passages maîtrisés et prometteurs, même si, après un quatrième roman (en fait une nouvelle), on peut légitimement se demander si la recette ne va pas finir par s'essouffler.