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Critique de YvesParis


Bertrand Badie est professeur à Sciences Po Paris. Une génération d'étudiants y a suivi son cours magistral. Il porte non sur les relations internationales mais sur « l'espace mondial ». Chaque mot compte dans cet intitulé : l'espace plutôt que le territoire, mondial plutôt qu'international. Car, pour l'auteur de « La fin des territoires » (Fayard, 1995) et « Un monde sans souveraineté » (Fayard, 1999), la mondialisation annule la distance tandis que l'international est supplanté par l'inter-social. Bertrand Badie reproche à l'école réaliste de réduire le jeu mondial à l'affrontement d'Etats froids et rationnels. Or, à l'heure de la mondialisation et de l'irruption des sociétés sur la scène internationale, l'espace mondial ne se réduit pas aux seuls Etats et la puissance n'est plus sa seule aune. le monde, dit-il, est composé de sept milliards d'acteurs et le principal défi qu'il nous faut relever est de regarder leurs souffrances en face.

Bertrand Badie écrit régulièrement dans La Croix. Son livre rassemble ses articles les plus marquants. Il ne s'agit pas d'une juxtaposition paresseusement chronologique qui, dans la meilleure hypothèse, permettrait de revisiter l'actualité internationale des années passées, dans la pire révèlerait la caducité d'analyses à vif. Il s'agit au contraire d'une tentative de long terme de modifier notre regard sur le monde en en corrigeant les fausses évidences qui en aveuglent la perception.
Cette entreprise de reconstruction part d'un constat : la mondialisation conditionne nos actions. Elle se définit par une saisissante progression de la mobilité : mobilité des hommes, mobilité des capitaux, mobilité de l'information. Elle a pour conséquence l'interdépendance : « tout le monde dépend de tout le monde » (p. 47). Elle est par nature inclusive : « tout le monde est réuni sur la même scène » (p. 46). le monde n'est peut-être pas encore uni – il ne partage ni les mêmes problèmes ni les mêmes valeurs – mais il est d'ores et déjà unifié – nous ne pouvons être sourds ou aveugles aux malheurs du monde. Dario Battistella ne l'exprime pas autrement qui parle joliment (« Un monde unidimensionnel », Presses de Sciences Po, 2011) d'une société internationale « unitive ».
Or, le système interétatique fonctionne encore largement selon une logique d'exclusion. L'auteur de « La diplomatie de connivence » (La Découverte, 2011) et de « le temps des humiliés » (Odile Jacob, 2014) s'en est par ailleurs longuement expliqué : la logique de « club » nourrit l'humiliation. La désignation d'un ennemi, avec lequel on s'interdit de négocier, conduit à sa radicalisation. La valorisation de la « guerre juste » rend la paix impossible. La moralisation des relations internationales a la conséquence paradoxale de bannir le compromis et d'empêcher l'équilibre. Ce progrès apparent pourrait en fait s'avérer pernicieux.
Quelles solutions Betrand Badie propose-t-il ? Elles sont simples à formuler, plus difficiles à mettre en oeuvre. Il faut sortir du prêt-à-penser westphalien. Il faut, dit-il, « écrire une autre Histoire des relations internationales, celle du nécessaire traitement social des conflits contemporains » (p. 43). Lançant à la gauche européenne un défi, il préconise « d'entrer dans la mondialisation sur une base qui lui serait propre et mettrait en avant des valeurs solidaristes (plus qu'associatives), régulatrices (plus qu'accompagnatrices), universalistes (plus qu'occidentalistes ») » (p. 184). Vaste programme ….
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