Emile Titan : Opération Salicorne

Comment rédiger une chronique quand on sait d'avance que ce que l'on va écrire vous vaudra une volée de bois vert quand elle sera lue ? Et bien, on la rédige, en ne tenant pas compte de ce qui risque de se produire, l'important étant de rédiger une chronique honnête.
Si j'avais lu ce livre étant adolescente, je ne l'aurai pas aimé. Je n'ai donc pas de raison de l'apprécier étant adulte. Adolescente, j'aurai probablement mis plus de temps à trouver ce qui me gênait dans cet opus. Adulte, c'est plus simple. Emile Titan est un enfant livré à lui-même. Son père ne rentre que tous les deux mois, très pris par ses missions en mer. Sa mère ? Elle est présente physiquement. Mentalement, moralement, c'est autre chose. Elle n'a qu'une passion dans la vie : le théâtre. Non, elle n'est pas comédienne professionnelle, elle joue dans une troupe amateur, de petits rôles (Dame Pluche, dans On ne badine pas avec l'amour de Musette n'est pas vraiment un rôle de premier plan) et ne pense qu'à cela, oubliant son fils à qui elle ne donne même pas le minimum d'attention ou d'affection. Oui, vu du dehors pourtant, c'est une famille parfaite, ordinaire. Emile en est pourtant réduit à s'élever tout seul ou presque, à chercher l'affection ailleurs, notamment auprès de la bibliothécaire qui l'apprécie beaucoup elle aussi.
Puis, tout bascule. Emile se fait un nouvel ami, Paul, dans des circonstances assez étonnantes. Ils sont séparés, dans des circonstances toutes aussi étonnantes – et l'on n'a pas fini de s'étonner dans le roman. Enfin, ils se retrouvent dans un camp de vacances assez spécial. Trop spécial. C'est là que je comprends pourquoi Emile a été recruté. Oui, il a des talents, c'est certain. Surtout, il n'est pas lié à ses parents. Ce n'est pas le cas de tous les enfants qui participent à ce camp, et certains ne peuvent mentir à leurs parents, quoi qu'on leur ait fait promettre. Je n'aurai pas menti non plus. Et ne m'objectez pas « c'est un roman ». Des adultes qui font prêter serment à des enfants de ne rien dire à leurs parents, quoi qu'il se passe, cela ne vous évoque rien ? Moi si. Alors oui, je sais bien qu'il est difficile de justifier, dans un roman de littérature jeunesse, les aventures d'un pré-ado - Fantômette n'a pas de parents, et Hergé devait déployer des trésors d'habilité pour que Jo et Zette partent à l'aventure. Tout de même....
Il en sera de même dans ce roman, rempli d'aventures et de gadget en tout genre. Oui, c'est un point positif. Mais la nécessité, toujours, de ne rien dire à ses parents, de tout leur cacher, reste pesante. A contrario, il faut jurer une allégeance totale au groupe, ne rien lui cacher, à la vie, à la mort. le groupe remplace la famille, remplace aussi les amis que l'on pourrait se faire à l'extérieur de celui-ci. C'est impossible, d'ailleurs, puisque les tout jeunes adolescents sont coupés du monde, quasiment. Ils sont aussi coupés de leur vie d'avant, dans laquelle je n'ai pas l'impression qu'ils avaient tant d'amis que cela. Si tout cela ne vous rappelle pas aussi quelque chose, j'en serai très étonnée.
Il est des personnages qui sont plus attachants que d'autres – Augustin, par exemple. Il en est d'autres qui sont antipathiques, voire effrayants. C'est ennuyeux, me dira-t-on. J'en conviens.
Je me doute que de jeunes lecteurs aimeront ce livre. L'adolescente que j'étais ne l'aurait peut-être même pas terminé.
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