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Critique de igolenerougier


« L'ADIEU AUX PAYS » c'est l'adieu à ceux qui habitent un pays, un village, et que les provençaux appellent leurs « pays ». le pays, c'est le petit village basalpin de Barles, au fond de sa vallée. On est en 1914. Les quatre frères Leydet, comme tous les hommes valides, ont été mobilisés et « font la guerre », même s'ils ne comprennent pas toujours ce qui se passe pace qu'on ne donne guère d'explication aux soldats. Comme tous les soldats, ils écrivent à leur mère et à leur village. Pour garder un lien avec la vie. Pour que les femmes, gardiennes du village, continuent la vie. Pour que le village ne meure pas, même si les hommes, eux, sont rayés de la carte par la guerre. « L'ADIEU AUX PAYS », au travers des cent cinquante lettres retranscrites avec patience et fidélité, est le récit, le témoignage, de cette disparition brutale, subie, difficile, longue, souvent définitive, que la première guerre mondiale a imposé au village de Barles dont elle a bouleversé la vie. « Fracassé », dit Nicolas Balique qui signe ce livre. « L'ADIEU AUX PAYS » n'est pas l'oeuvre d'un romancier mais celle d'un historien. Nicolas Balique n'invente rien, il transmet. Il donne la parole à ces quatre frères dont la correspondance a miraculeusement été retrouvée.
« Leurs lettres constituent bien plus qu'un simple témoignage. Par leur authenticité et leur simplicité, ces cent cinquante fragments de vie incarnent l'âme d'une petite communauté totalement bouleversée par la guerre. Ces lettres et cartes éclairent, à leur toute petite échelle, ce que furent, pour plus millions de soldats français mobilisés, ces interminables mois de guerre. Une histoire à hauteur d'homme ».
Au début, ces lettres ne décrivent pas la guerre. Parce que les soldats craignent que la censure ne le retienne le courrier. Mais aussi parce qu'il faut rassurer la mère et ceux qui sont restés au village, dont la seule force est l'espoir d'un retour. On y parle du quotidien de la vie de soldat, du lit ou de la nuit à la belle étoile, de ce que l'on mange, du vin que l'on boit. On y raconte les bons moments quand les soldats barlatans (de Barles) se retrouvent. On y décrit les paysages. On y parle du brouillard. On demande l'envoi de vêtements pour se protéger du froid, de papier à cigarette et de tabac, d'un peu d'argent. On y parle des foins, du blé, des troupeaux qui font que la vie continue à tout prix. Et puis, peu à peu, arrivent les tranchées, les obus et les noms des camarades morts ou faits prisonniers. Et l'on écrit pour se donner du courage et pour que là-bas, à Barles, on garde le courage de vivre aussi :
« Songer à ma mère bien aimée, écrit Germain à Honorine, sa mère, à mes frères, aux parents, aux amis, me donne plus de courage encore. Cela m'attendrit délicieusement et me réconforte…. J'ai la conviction certaine que c'est pour vous tous, êtres chéris, choses aimées, que je me bats. Et c'est pour cela que je ne regrette aucun sacrifice. C'est pour cela que j'offrirai ma vie si elle est utile, et que je la donnerai, s'il le faut, sans le moindre regret. Allons, ayons du courage et du coeur. Reçois, ma mère chérie, et recevez, mes vieilles amies que dans ma pensée je ne sépare pas d'elles, les meilleures caresses de votre soldat bien aimé ».
Fin octobre 1914 on commence à échanger des listes de noms de morts et la guerre s'installe dans la durée. Ecrire est de plus un plus le moyen de se donner du courage. Affirmer ce patriotisme sans lequel rien ne serait supportable ;
« C'est pour la France, pour la patrie, pour vous tous, en avant ! Nous sommes assassins et victimes à la fois, mais je considère que mon devoir malgré tout est de risquer ma peau tous les jours. Je me bats en soldat, j'accepte tous les sacrifices que je crois nécessaires » écrit Germain à Honorine le 23 décembre.
Les morts successives déciment les deux communautés, celle des soldats « pays » sur le front et celle du village. La fratrie Leydet explose le 1er janvier 2015 avec l'annonce de la disparition de Félix. Et le livre s'achève, parce que c'est la dernière lettre du paquet retrouvé, sur la certitude de la mort du soldat Leydet sur le champ d'honneur en Belgique. Félix Leydet fera partie de ces innombrables hommes dont le corps ne reviendra pas . Avec toute la retenue qui les conduit, ces lettres sont poignantes et leur somme, loin de cultiver un pathos inutile qui serait de trop, sont l'une de ces vraie leçons d'histoire à la fin de laquelle on a envie de dire : Plus Jamais Ça ! « L'ADIEU AUX PAYS » est à la fois le livre d'un journaliste et d'un historien qui sait rapporter et donner à voir, et l'écrit de l'un de ces « pays » qui parle aux coeurs avec son coeur.

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