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Critique de Tandarica


Ștefan Bănulescu est un écrivain ancré dans l'histoire de la Roumanie et le territoire qu'il connaît, dont il ne sort guère: celui du delta du Danube, qui est un monde à part pour les Roumains qui en parlent et l'ont quelque peu visité, un peu comme la Camargue en France, en plus vaste et plus dépaysant encore. Mais il ne s'agit pas de raconter le local, de lister les espèces végétales ou animales, ni même de recenser les comportements humains. Au contraire, dans un style proche de celui du roman picaresque (péripéties inattendues et nombreuses, digressions, personnages nouveaux présentés comme si on les connaissait depuis toujours, récit chronologique avec intrigues secondaires qui finissent parfois par devenir principales), Bănulescu vise l'universel par la voie allégorique: en quelque sorte, ce qu'on rencontre dans le delta est généralisable à l'humanité. Dans l'ensemble, sa vision est pessimiste à l'image du tailleur Polider, héros de la deuxième nouvelle du recueil, qui veut le bien, mais finit toujours par ne pas récompenser le mérite et privilégier les comportements immoraux. La corruption règne partout et Polider finit dans la vice. Même (surtout?) l'amour y est sujet et celui de Yasmina dès l'origine se teinte de ruse et de feinte pour en définitive être rattrapé par la mort. La divinité, quant à elle, souffre de son clergé corrompu et sa seule fonction consiste à accompagner la camarde: n'est-ce pas finalement son fonds de commerce? Le delta c'est l'embouchure, la fin, où tout se déverse dans l'au-delà et, en lisant Bănulescu, on reste saisi d'un sentiment d'insondable vanité de toute chose.

Le livre regroupe deux nouvelles :

Arkhip le Boiteux, Yasmina et Patrocle de Samos
Arkhip le boiteux, ancien captif des religieux à Zagorsk, est chargé de reconstituer l'état civil manquant dans les territoires du Danube ravagés par les guerres russo-turques du début du dix-neuvième siècle. En attendant l'Autrichien chargé de conserver les archives du district, il se loge chez une drapière nommée Yasmina, qui lui raconte son histoire, en attendant son neveu Polider. Elle et sa famille de propriétaires terriens habitent à côté d'un tailleur de pierre, Patrocle de Samos, dont elle tombe amoureuse. Pour le conquérir, elle fait semblant d'être malade, mais il reste indifférent, ou du moins le feint-il. Ses parents font appel au guérisseur Gogorea, dont le remède consiste à leur faire partager le même lit (à Yasmina et Patrocle). Ils l'emmènent, une fois guérie, au Panaïr de Métopolis, une sorte de foire, où elle donne rendez-vous à Patrocle le troisième jour. Ils logent chez un marchand, Waldemar. Là-bas demeure aussi un comte russe, Evgheni, qui cherche son comte donné pour mort, mais qui vivrait dans un village proche accompagné de quatre enfants ouzbeks : Rano, Hassia, Neriman et Ahvar. La peste emporte le comte Evgheni, tout le monde doit partir du Panaïr, avec les enfants ouzbeks le troisième jour. Dans la confusion, Yasmina parvient à retrouver Patrocle. Mais il est atteint de la peste et meurt, comme son père, le guérisseur Gogorea et le prêtre.
Polider, le tailleur démiurge
Celui qu'on appelle Le Millionnaire raconte l'histoire du tailleur Polider, qu'il a reconstituée sans l'avoir connu à partir des récits de personnes qui en étaient proches. Ses habits préférés sont les pantalons : il prend la bure, puis se demande à qui il taillera en premier son pantalon et raisonne d'abord, étant lui-même vertueux, selon la vertu du commanditaire, puis fait passer en premier les malades, les futurs mariés, les miséreux ou les chargés de famille, si bien que le plus vertueux termine en général dernier. Il finit par acheter un omnibus pour livrer ses clients jusqu'à Mavrocordat, village qu'il considérait comme le temple de la débauche et refusait d'évoquer. Enfin, il paraît qu'à la fin de l'histoire, il a une maîtresse dans chaque village de son trajet et taille toujours des pantalons.
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