AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de NMTB


NMTB
19 décembre 2014
Un homme libre est le deuxième volume de la trilogie de Barrès consacrée au Culte du Moi. Une oeuvre faite pour exalter l'Individualité, et qui a donc prit la forme la plus égotiste qui soit : celle du journal.
Le narrateur relate plusieurs étapes de sa vie intérieure qui se concrétisent par autant de voyages. D'abord, il part se réfugier avec son ami Simon dans sa Lorraine natale pour échapper à la mesquinerie du monde et analyser à loisir les mouvements de son âme. Mais plongé dans une tristesse accablante, il décide de visiter Venise, qui lui redonne goût à la vie. Il retourne ensuite à Paris, où il a une brève liaison qui se finit mal. Alors il se rend sur la côte d'azur pour soigner sa mélancolie, puis revient définitivement à Paris, prêt à affronter le monde.
Racontée ainsi, cette histoire peut paraître d'une banalité affligeante. Pourtant, elle est soutenue par une pensée très vigoureuse et relativement étonnante pour un jeune homme, puisque Barrès l'a écrit autour de sa vingt-cinquième année. Il part d'un sentiment assez commun aux écrivains de la fin du dix-neuvième siècle, en particulier aux écrivains catholiques : la tentation de se couper du monde et de s'enfermer dans un cloître. C'est bien la vulgarité de ses contemporains qui le pousse à se réfugier d'abord dans son Moi, ensuite à Saint-Germain, en Lorraine. Mais, alors que ses aînés du siècle précédent, se sont arrêtés là, éteignant tout espoir, sous-entendant que cette fois c'était bien fini, qu'il n'y avait plus rien à attendre que la décadence toujours plus profonde des moeurs, Barrès ouvre une porte sur le vingtième siècle. Cette porte, c'est celle de l'idéologie. Même si elle n'est pas vraiment encore tout à fait systématisée dans ce livre, on peut se rendre compte que Barrès utilise un certain vocabulaire. Pour évoquer cet Autre qui assaille son Moi, il parle de « barbares », et il les assimile à tous les étrangers qui ont soumis son peuple, la « race lorraine ». Mais je le répète, dans Un homme libre, on ne retrouve de l'idéologie nationaliste que la terminologie, la place prépondérante reste celle du Moi. Pourtant, même si cela n'est qu'anecdotique dans ce livre, c'est intéressant de voir la manière avec laquelle Barrès passe si facilement du Moi à une certaine communauté, une « race ». Cette manière c'est une sorte de magie de l'esprit : l'analogie.
Bref, Barrès n'est pas autant accablé par la solitude que d'autres écrivains du dix-neuvième siècle, il a un fort sentiment d'appartenir à une forme de communauté à travers les âges, un Etre, une civilisation, dont son Moi n'est qu'une petite partie. Et pour retourner l'analogie, ce Moi est lui aussi traversé par de multiples émotions, parfois contradictoires, qui le sauvent également du désespoir, de la sécheresse des sentiments. Car toutes ces émotions sont les chemins qu'aime parcourir Barrès et tant pis si elles ne le mènent nulle part, car « Les désirs, les ardeurs, les aspirations sont tout ; le but rien. »
En résumé, une écriture savante mais très sobre, sans emportement, avec juste ce qu'il faut de philosophie, de culture et d'art. Un livre plein de réflexions et d'auto-analyses étrangement froides, non sans paradoxes.
Commenter  J’apprécie          80



Acheter ce livre sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten
Ont apprécié cette critique (2)voir plus




{* *}