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Critique de IrishStew


L'album dont je vais maintenant vous parler a été édité à deux reprises, à 5 ans d'intervalle: chez les éditions du Sorbier en 2008 puis chez Seuil Jeunesse en 2013. Quoiqu'il en soit, le thème de l'album reste toujours d'actualité, d'où l'importance de le rééditer régulièrement. Il me permet en plus de cela d'introduire André Leblanc au texte et Barroux aux illustrations. Barroux qui était d'ailleurs présent au festival des Zinzins de lecture en juin dernier, dont vous pouvez retrouver mon p'tit rapport en allant par ici.
En tant que pianiste amateur, le titre de l'album m'a tout de suite interpellé. Il en a été de même avec Un piano sur le dos, d'ailleurs. Ici, l'histoire est vraie: une jeune pianiste chinoise, enfermée dans un camp de rééducation durant la Révolution culturelle, joue de la musique pour s'évader et aider les autres à s'évader. C'est interdit, bien sûr, mais comme tout interdit, la jeune pianiste y trouve un profond bonheur dans la musique de Bach qu'elle interprète en secret. Par le Clavier Bien-Tempéré, elle retrouve le goût de vivre. C'est la musique qui lui permettra de tenir le coup jusqu'à ce qu'elle quitte le camp, après la mort du président Mao en 1976.
Cet album montre à quel point l'art échappe à toute entrave, qu'elle soit matérielle ou idéologique. Comme le dit si bien la quatrième de couverture, les régimes autoritaires font obligatoirement pression sur les artistes, car ils savent très bien que ces derniers sont dangereux pour le système. Quelqu'un qui ose agir librement, mon Dieu!
Le titre de l'album exprime plusieurs choses. Déjà le piano évoque l'art, la musique, et le rouge, très présent dans les illustrations de Barroux, rappelle bien évidemment la Chine maoïste mais aussi le sang du peuple réprimé par le régime.
Le texte d'André Leblanc est dur: il ne fait pas dans le larmoyant, dans la psychologie, il dit simplement ce qui est, et malgré tout il arrive à nous faire ressentir des sentiments et des émotions envers la jeune pianiste. C'est un texte qui questionne l'intérêt de la musique: "Mais à quoi peut bien servir la musique? Efface-t-elle cinq ans d'exil, une jeunesse dévastée, le froid, la faim, la saleté, l'enfermement?" Questions qui trouvent leur réponse la page suivante: "Jouer par amour de la musique, simplement! Echo d'une musique intérieure qui, petit à petit, a mis de l'humanité dans sa vie, dans ce système qui n'en a pas. Une force! Une folie, aussi!".
Les illustrations de Barroux, à l'encre de Chine, laissent percevoir une nette prédominance du rouge, comme je l'ai dit un peu plus haut. En plus de cela, l'illustrateur fait du collage, reprenant des photos de Mao et de ses partisans, des affiches publicitaires ou des illustrations de propagande. Il y a clairement une prise de parti, notamment dans cette double-page où l'on peut voir à gauche les partisans maoïstes en colère, sur fond noir, pointant du doigt la jeune pianiste et une complice, dessinées sur fond blanc au milieu des morceaux du piano démonté. Encore une fois, le rouge confère un sentiment de peur, de crainte, il détone entre les nuancés de gris et de noir. Les paysages sont nus, les arbres chétifs, froids, comme pour corroborer l'idée que le système dénué de toute vie, de toute humanité.
Pour le coup, cet album est un véritable coup de coeur! Son thème demeure contemporain et universel puisqu'il représente l'affrontement incessant entre la liberté véhiculée par l'art et les régimes autoritaires qui écrasent toute forme d'humanité et d'humanisme. Bravo, messieurs!
Lien : http://lesjeuneslettres.blog..
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