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Critique de horline


Qu'est-ce que le communisme pour Sasha, neuf ans, fils de fermier en République moldave dans les années quatre-vingt ?
C'est d'abord le portrait de Lénine installé dans toutes les salles de classe, les injonctions et les brutalités incessantes de la maîtresse Nadejda Petrovna qui ne supporte pas l'odeur de la truie dont s'occupe Sasha et qui imprègne ses vêtements. C'est également les défilés avec ballons pour la grande fête des Travailleurs et la victoire contre le Mal capitaliste… c'est enfin le discours des adultes qu'il ne comprend pas, qu'il tente malgré tout de s'approprier pour intégrer les « pionniers » en le réinterprétant avec candeur et détermination.


Surréaliste, le roman de Savatie Baştovoi offre un récit fantasque qui emprunte plusieurs trames littéraires avec des insertions énigmatiques, des bribes de discours irréels, des mirages qui peuplent la forêt dans laquelle le jeune Sasha se réfugie chaque fois qu'il est contrarié.
A priori on se confronte à des paroles de l'enfance où le verbe n'est jamais rond, ample ou dense ; l'auteur déconstruit la langue des adultes si hermétique pour un esprit tendre et candide.
Puis progressivement, au milieu de toutes ces conversations imaginaires entre Lénine et un révolutionnaire, de ces rêves enfantins ou absurdes, des parenthèses lyriques et oniriques on devine une vérité qui se refuse ouvertement à la conscience : celle d'un pays cadenassé et engoncé dans des posture obsolètes, d'un dogmatisme violent qui s'exerce dés la découverte de l'école, d'un monde fermé dans lequel l'esprit curieux de l'enfant, aussi bien ses interrogations que ses doutes, éclaire toutes les contradictions d'un système à bout de souffle.

Lire « les lapins ne meurent pas » n'a rien de romantique ni de facilement accessible lorsqu'on n'est pas familier avec la culture romano-orientale : il faut remâcher les incantations, se dissoudre dans les fragments d'écriture, décortiquer les symboliques pour y percer un sens et détecter des relents de la propagande stalinienne qui n'a rien de conventionnel. de la même manière qu'un enfant à la conscience encore malléable, il appartient au lecteur de déchiffrer les connecteurs logiques dans ce texte en apparence chaotique, ou de se laisser bercer par un étrange sentiment d'engluement et d'intangibilité.
Si certains lecteurs resteront perplexes face à la complexité de la construction littéraire, d'autres s'accrocheront à l'authenticité et à la simplicité des mots qui exhalent de ce récit sombre car au-delà des idéologies politiques et des concepts, on s'émeut des difficultés du jeune garçon bien malheureux dont toutes les tentatives pour être « meilleur » sont rabrouées comme de vilaines maladresses.
Ce que ma mémoire retient de cet auteur d'une république ignorée c'est sa faculté à façonner un univers littéraire extraordinaire pour qui accepte l'idée d'effleurer une écriture pleine d'imagination et de mystère… rares sont les auteurs capables de vous embarquer dans leur univers lorsque celui-ci se révèle insaisissable, au lecteur d'accepter de perdre pied et suivre l'auteur sur des territoires inconnus.
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