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Critique de Denis3


Bauman était un juif polonais, ses parents ne fréquentant pas la synagogue . L'invasion nazie les repousse vers l'est, en Union Soviétique. Il est engagé ou embrigadé dans une unité militaire polonaise où il devient officier politique. Il participe aux combats, y compris la prise de Berlin, est décoré et monte progressivement les échelons , travaillant dans le renseignement militaire. C'est un communiste convaincu. En 1968, son père visite l'ambassade d'Israel, avec des vues d'immigration. le fils - un des plus jeunes majors de l'armée polonaise ( sous contrôle soviétique) - est immédiatement viré de l'armée. Il termine sa maîtrise en sociologie, devient professeur ( non titulaire) à l'université de Varsovie. Il s'éloigne progressivement de l'orthodoxie marxiste. En 1968, une purge le contraint à quitter le pays. Il part enseigner en Israel, puis à l'université de Leeds. L'on considère Bauman comme un neo-marxiste très éloigné du marxisme-léninisme à la soviétique.

( informations de wikipedia - j'ai voulu comprendre un peu de quel angle venait Bauman).

Dans ce livre - publié une année avant "La Modernité Liquide" - Bauman fait le diagnostic de la société post-moderne. Il y voit avant tout la disparition du lien social, de la communauté, et de l'agora où celle-ci débat de son avenir. La disparition du politique sauf sous une forme très diminuée , le pouvoir véritable étant ailleurs.

La grande cause lui parait, effectivement, être le transfert de pouvoir du politique, nécessairement territorial car lié à des communautés, vers ceux qu'il ne nomme pas, les extra-territoriaux , qui sont vraisemblablement les marchés financiers, les fonds de pensions, les banques d'affaires et autres traders. Ceux-ci, en diminuant les options ( !) disponibles au politique ( plan d'assainissement des finances publiques ou menaces à cet effet, délocalisation de la production, substitution de travailleurs par l'automation ) ont créé une incertitude permanente sur les marchés du travail. Celui qui craint pour sa capacité à gagner sa vie ne s'intéresse plus guère au bien commun, ne croit plus en la capacité de la politique à " changer la vie" , et se replie sur lui-même. D'autant plus que les politiques clâment leur impuissance devant des "lois du marché" présentées comme ces lois naturelles que l'on découvre en physique ou ces commandements divins que l'on présentait au catéchisme. C'est bien sous la menace de précarité que le contrôle social est le plus efficace.

L'humain, dépolitisé, recherche, s'il le peut, la sécurité ou la satisfaction dans la consommation à outrance, faisant ainsi tourner la machine économique. S'il le peut, et s'il ne peut point, il fait partie des exclus qu'il convient de garder à leur place. Encore servent ils, dans leur malheur, d'avertissement aux autres : voici ce qui arrive aux perdants ! Eheu Victus ! Ils peuvent aussi, si nécessaire, servir de boucs émissaires, quand la situation devient trop tendue. Il est donc expédient que beaucoup de personnes marginalisées soient étrangères, parlent d'autres langues, ont une couleur de peau différente - pour les désigner à la vindicte.

Pour commencer à sortir de cette impasse, Bauman propose la création d'un revenu minimum , afin de réduire les angoisses liées à l'exclusion toujours possible. Il souhaite l'établissement d'une entité politique qui puisse rencontrer l'ennemi sur son domaine extraterritorial. Sans préciser. Et il espère une réalisation du caractère polyculturel de toute société. Là il s'en tient à " pouvoir s'entendre", ou du moins s'arranger,sur base de notre humanité commune, sous-jacente aux cultures.

Contrairement à Bauman, je n'ai jamais été marxiste, ni orthodoxe, ni neo-, ni post-. Toutefois, je trouve cette analyse très pertinente, encore actuelle, et fort bien argumentée. Il a vu juste.

C'est, bien sûr, dans le domaine des remèdes que les choses tournent un peu court. Personnellement, je crois que la première chose à faire est de reconstruire des communautés, et la politique locale. C.à.d. la base. Je ne crois pas qu'il y ait un programme, d'où qu'il vienne, qui puisse faire grande différence, s'il n'y a pas de base pour l'acceuillir et le porter. Et c'est le travail de plusieures années.



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