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Critique de Pecosa


Ne vous fiez pas à la beauté de la couverture. Ce voyage au Maroc avec William Bayer vous laissera un goût amer. L'ouvrage, qui date des années 70 pourrait être aisément transposé de nos jours en Républicaine Dominicaine, en Thaïlande, ou dans toutes les contrées où l'argent peut vous offrir une vie confortable.
La ville de Tanger a un statut particulier, jouit d'une réputation sulfureuse. Nid d'espions autrefois, elle a attiré comme un aimant dans les années 50 des écrivains expatriés, William S. Burroughs, Jack Kerouac, les Bowles, Tennessee Williams... Vingt ans plus tard, la ville exerce toujours autant d'attrait aux yeux des riches étrangers, amateurs de douceur de vivre, de climat bienveillant et de sexe tarifé. Chacun peut donner libre cours à sa sexualité et à ses fantasmes même quand ils sont illégaux. Les autorités ferment les yeux du moment qu'elles engrangent les devises.
Un homme observe le phalanstère, fasciné. C'est l'inspecteur de la section étrangère de la Sûreté, Hamid Ouazzani, qui grâce à un réseau d'informateurs, sait tout des agissements, des passions et des déviances des riches expatriés.
William Bayer, qui a vécu quelques années à Tanger a eu tout le loisir de les observer et nous offre dans ce roman psychologique particulièrement fouillé une radioscopie de ce microcosme. Ses personnages tout à leurs amourettes, à leurs soirées, à leurs rivalités sociales ou sexuelles s'observent le nombril à longueur de journée. Esthètes, jouisseurs impénitents, hédonistes, traînant dans leur sillage des parasites mondains et des gigolos, ils ne voient chez l'Autre que ce qui pourrait satisfaire un désir ou une ambition. Les pauvres, ils ne les aperçoivent que du haut de la colline, La Montagne, le quartier chic de Tanger. Le bidonville de Dradeb leur gâche d'ailleurs la vue. « Dans plusieurs secteurs de Dradeb, les habitations étaient beaucoup plus rudimentaires: des cabanes faites de bambou, avec une simple couverture en guise de porte. Certaines baraques avaient été construites sur un ancien cimetière juif et les pierres tombales, qui émergeaient au milieu des pièces, faisaient office de tables ou même de lits. Quelle pourriture! se dit-il. Quel endroit pourri! Drabed empestait la fosse sceptique débordante. »
Mais peut-on danser sur un volcan, alors que ceux d'en bas commencent à montrer des signes de colère? « Laissez-moi vous dire docteur pourquoi il n'y a pas d'eau ici. La véritable raison, ce ne sont pas les canalisations. le parcours de golf, sur le versant sud de la Montagne, doit être arrosé à longueur de journée, et comme il y a pénurie d'eau en ce moment, ils tirent sur le réservoir qui alimente Dradeb. (Il secoua la tête). je n'ai plus envie de construire, murmurait-il. J'ai envie de tout détruire. »
En 1978, William Bayer excellait déjà dans l'analyse psychologique et dans le mécanisme délicat des petites intrigues qui font les grands drames. Il tisse patiemment sa toile sur près de 400 pages et nous sert un dénouement en forme de déflagration, qui laisse le lecteur aussi ébahi que ses protagonistes. "Cher vieux, Je rentre maboulifié, mabouliquéfié par Tanger! » écrivait Gide. Les personnages de Bayer auraient pu en dire autant.
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