AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Aelinel


Ma passion pour l'Histoire Romaine n'a plus de secrets pour vous. Il était donc logique que je sélectionne le Colisée de Keith Hopkins et Mary Beard lors de la dernière Masse critique de Babélio que je remercie ainsi que les éditions Tallandier pour l'envoi du livre. Malheureusement, bien que cet ouvrage de vulgarisation possède quelques qualités, un certain nombre de défauts auront fait que j'ai très moyennement apprécié cette lecture.

Plus connu aujourd'hui sous le nom de « Colisée » (il s'agit d'un nom donné à l'époque médiévale en raison de la présence d'une statue colossale devant le bâtiment), l'amphithéâtre flavien a été construit par l'empereur Vespasien à partir des années 70 après J.-C. puis inauguré sous le règne de son fils Titus, en 80. Sa construction est éminemment politique car il s'agissait pour Vespasien de rendre les terres au peuple romain confisquées par son prédécesseur Néron pour la construction de sa Maison Dorée. À Rome, il s'agit du premier amphithéâtre construit en dur, les plus anciens étant ceux de Capoue et de Pompéi. Jusqu'à présent, ces édifices de spectacle étaient échafaudés en bois et démontables. L'amphithéâtre flavien pouvait accueillir jusqu'à 50000 spectateurs (pour rappel, la population de la ville de Rome, à cette époque, était d'un million de personnes) ce qui en fait un des plus grands de l'Empire Romain.

Lorsque je débute un ouvrage d'Histoire, je m'intéresse toujours au préalable à la Table des matières pour savoir quel plan l'auteur a suivi. J'avoue que celui du Colisée de Keith Hopkins et de Mary Beard m'a laissée un peu perplexe car je n'aurais pas du tout traité le sujet de cette manière. Pour ma part, j'aurais adopté un plan mi-chronologique, mi-thématique avec une introduction sur le contexte du projet au temps des Flaviens, une première partie sur sa construction et son architecture, une seconde sur son utilisation sociale et symbolique, une troisième sur les spectacles proprement dit, une quatrième sur son évolution à partir du VIème siècle jusqu'au XIXème siècle et enfin, j'aurais conclu par le Colisée d'aujourd'hui. Certes, ce plan est classique mais est à mon sens plus clair. Keith Hopkins et Mary Beard ont préféré partir des représentations que leur lecteur pouvait avoir de l'édifice et utilisent par exemple des oeuvres contemporaines et fictives comme Gladiator de Ridley Scott. Après tout, pourquoi pas, cela permet d'impliquer le lecteur dans leurs réflexions. Malheureusement, leur plan s'en retrouve aussi impacté car il part dans de nombreuses circonvolutions entre les époques ce que je trouve dommage.

Ensuite, ils prennent beaucoup de recul vis à vis des sources antiques, ce qu'il convient absolument de faire : je citerais par exemple le livre des spectacles de Martial qui aborde l'inauguration de l'amphithéâtre flavien. le but de Martial était de flatter l'empereur pour obtenir quelque chose en échange (notoriété, avantage, etc…), il est donc possible qu'il ait exagéré dans la description des festivités. En revanche, cette méthode de travail me dérange un peu plus lorsque les deux auteurs l'appliquent aussi aux travaux de leur contemporains – archéologues et historiens – et qu'ils adoptent un ton condescendant vis à vis d'eux :

« Néanmoins, les archéologues qui avancent non sans dédain que la réputation du Colisée est une invention moderne, le fruit de nos propres obsessions, et sans grand rapport avec les Romains, doivent se tromper. Ils sont du moins contredits par toutes sortes d'éléments attestant l'antique renommée du monument. (P. 38)

Malgré le caractère idéologique évidemment tendancieux de cette théorie, les spécialistes modernes la reprennent à leur compte comme si c'était un fait avéré. (P. 166) »

Ils peuvent très bien ne pas être d'accord avec le résultat de leurs travaux, c'est tout à fait légitime mais je pense qu'il y a une manière de le formuler sans remettre en question les compétences des collègues. Moi-même, je ne suis pas contre l'idée de renouveler mes connaissances acquises durant mon parcours universitaire. En revanche, il faut que les nouvelles théories soient étayées par des arguments solides pour achever de me convaincre. Je ne cache pas que certaines réflexions sont très intéressantes comme la place des femmes dans l'amphithéâtre (moi aussi, j'imagine mal les femmes de l'élite au dernier rang à côtoyer la « plèbe »!) ou la réservation des premières places aux sénateurs (ces places pouvaient être en plein soleil ou pluie car mal protégées par le voile et dangereuses du fait que certains animaux comme des éléphants auraient pu chercher à s'échapper par les gradins). Toutefois, j'ai été un peu plus rétive pour d'autres réflexions notamment sur le taux de mortalité des gladiateurs. Les deux auteurs se basent sur les sources épigraphiques comme les stèles funéraires ou les graffitis retrouvés à Pompéi. Bien que ces résultats soient très intéressants, il ne faut pas perdre de vue qu'ils sont également fragmentaires et ne peuvent pas être représentatifs de toute une période.

En conclusion, bien que le plan de cet ouvrage soit atypique, les deux auteurs partent des représentations des lecteurs (peinture, film) pour étayer leur propos ce qui peut être un bon outil de vulgarisation. Ils ont également tout à fait raison de prendre du recul par rapport aux sources antiques et ils proposent certains axes de réflexion très intéressants. Toutefois, le ton condescendant qu'ils utilisent pour qualifier les travaux de recherche de leur collègues archéologue et historien les desservent énormément : ils peuvent ne pas être d'accord avec leurs théories mais de là à remettre en question leurs compétences, je ne trouve pas cela très fairplay. Surtout, ils n'apportent pas forcément eux-mêmes d'autres alternatives probantes. J'ai dans ma bibliothèque un autre ouvrage de Mary Beard sur Pompéi, je pense le lire pour savoir si cet ouvrage me laissera la même impression.

Pour un article plus complet, rendez-vous sur mon blog :
Lien : https://labibliothequedaelin..
Commenter  J’apprécie          140



Ont apprécié cette critique (14)voir plus




{* *}