AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de BillDOE


Ce « Quarto » des éditions Gallimard sur l'écrivain marocain Tahar Ben Jelloun présente la biographie de l'auteur racontée par lui-même et onze romans qu'il a sélectionnés.
C'est une plongée dans le monde onirique d'un homme qui a voué sa vie à l'écriture. A travers l'ensemble de son oeuvre, Tahar Ben Jelloun fait l'inventaire des personnes de sa famille ou de son entourage proche qui ont compté dans sa vie, en leur faisant jouer un rôle dans chacun de ses « contes » pour adultes. Sa vision de la vie est une fenêtre sur un monde tant sacré que maléfique, enchanteur ou cruel, virginal ou pornographique. Ses mots reflètent les couleurs de l'arc-en-ciel et sa prose sent les odeurs épicées et mielleuses de la Casbah, la cannelle, la coriandre ou la menthe fraiche.
Dans l'oeuvre de Tahar Ben Jelloun, on peut lire le voyage, la nature orientale, le simple, car l'homme qui n'a rien est le plus riche des hommes, comme l'élaboré, à travers les turpitudes charnelles d'hommes déracinés.
Il rend leur dignité aux pauvres et aux pouilleux, et laisse s'abattre la malédiction du démiurge sur les nantis corrompus. Il se fait le bras armé de la justice divine.
L'univers de Tahar Ben Jelloun est peuplé d'être surnaturels et de personnages bien réels. Leur inter agissement illustre bien le merveilleux de l'imagination de l'auteur et en même temps les causes qu'il défend : la solitude de l'homme exilé, l'asservissement de la femme dans la culture orientale, le combat éternel de la chair et de la morale, le pouvoir métastasique de l'argent, le racisme de tout bord, et bien d'autres maux et turpitudes de la condition humaine.
Il y a toujours un moment où, dans les récits de Tahar Ben Jelloun, les pieds décollent du sol et où la tête baigne dans les étoiles.
1973, « Harrouda », premier roman de l'auteur.
1976, « La réclusion solitaire », la solitude de l'immigré.
1978, « Moha le fou, Moha le sage », Moha l'intemporel.
1985, « L'enfant de sable », le secret de famille.
1987, « La nuit sacrée », prix Goncourt, Tahar Ben Jelloun est à l'apogée de son art. Ses personnages ont une finesse dans le trait, une poésie dans l'âme, jusque-là jamais encore décrite avec autant de magnificence. Il poursuit l'histoire de « l'enfant de sable ».
1994, « L'homme rompu », en hommage à son ami écrivain indonésien, Pramoedya Ananta Toer, assigné à résidence surveillée pour avoir notamment dénoncé la corruption dans son pays. Maintenant que Tahar Ben Jelloun est exposé, lu et écouté, la rançon de la gloire pour son prix Goncourt, il se lance dans des sujets beaucoup plus polémiques comme la corruption culturelle de l'administration de son pays. Mourad est cet « homme rompu », broyé par le système qu'animent ses artisans corrompus.
2006, « Partir ». C'est aussi arriver, c'est aussi revenir. C'est l'histoire d'Azz El Arab qui porte en lui la malédiction de l'homme déchu du paradis, pour qui l'ailleurs est cet éden à reconquérir, cet occident rempli des promesses qu'il ne tiendra jamais mais qui, par contre, fera payer le prix fort des plus viles bassesses pour le naïf migrant.
2009, « Au pays ». Mohamed est ouvrier sur une chaine de montage automobile en France. Arrive le jour de la retraite… Voici venu le temps du bilan, celui des illusions perdues.
2011, « Par le feu ». L'histoire de Mohamed qui, à la mort de son père, reprend sa charrette de fruits parce que son diplôme ne lui offre aucun travail. C'est l'histoire d'un régime corrompu que les flammes de l'innocence vont renverser pour donner naissance au printemps arabe, le mythe du Phénix.
2012, « le bonheur conjugal ». Lorsque l'amour se transforme en haine, transformation alchimico-symptomatique de la relation dégénérant d'un couple. L'un des romans les plus inspirants de Tahar Ben Jelloun. Et cette phrase de Tchekhov qu'il cite : « Si vous craignez la solitude, ne vous mariez pas. »
Ne sommes-nous pas un bon terreau pour le développement de la haine qu'a l'autre à notre encontre ?
2016, « le mariage de plaisir ». Lorsqu'un homme s'éloigne pendant plusieurs semaines du domicile conjugale, il a le droit de contracter un « mariage de plaisir » avec une nouvelle épouse sur son lieu de destination, du moment qu'il lui verse une dot. Ce mariage est limité à la durée de son séjour. Une histoire digne d'un conte des mille et une nuits, n'est-ce pas ?
Il faut lire Tahar Ben Jelloun pour s'ôter de la tête les idées préconçues que l'on a sur la culture arabe et sur le monde musulman, qu'une poignée d'islamistes intégristes et incultes salissent, corrompent, bafouent avec leur culte imbécile de la haine.
Le Savoir est aussi un bon antidote contre la bêtise humaine.
Commenter  J’apprécie          414



Ont apprécié cette critique (39)voir plus




{* *}