AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Dandine


Nikolai Leskov. Representant de commerce pour une firme anglaise, il a roule sa bosse dans tous les territoires du Tzar, soumis ou dissidents. Il a frequente toutes les ethnies. Il a pu percevoir toute la richesse du pays et toute sa misere. Et il nous restitue tout ce qu'il a vu, tout ce qu'il a entendu, dans ses ecrits. Le voyageur enchante en est un bel echantillon (n'est-ce pas le mot qui convient a ce representant?).

D'autres editions titrent Le vagabond ensorcele. Moi je prefere celui que lui a donne son premier traducteur, Victor Derely, en 1892. C'est dans cette traduction, gracieusement mise a la disposition de tous lecteurs par La Bibliotheque Russe et Slave, qui l'a revisee sans l'estropier, que je l'ai lu. Elle a garde tout son parfum. Tout l'art, un peu suranne, du delicieux conteur qu'etait Leskov.

C'est un moine vagabond qui raconte sa vie a un auditoire fortuit navigant sur le lac Ladoga (pres de Saint Petersbourg). Fils de serf, il apprendra pres de son pere a s'occuper de chevaux, et a en dompter les plus sauvages. Au fil du temps, chasse du domaine de son maitre, il errera un peu partout, au service de differents "barines" et "remonteurs" (marchands?) de chevaux; il aura plusieurs fois affaire a des tsiganes, se faisant voleur pour le compte de l'un, et plus tard se faisant plumer par d'autres. il sera captif chez des Tatares pendant une dizaine d'annees; ceux-ci lui donneront plusieurs femmes, selon leur coutume, a qui il fera des enfants qu'il abandonnera sans reticence ni remords; il aimera par contre a la folie une petite tsigane aux yeux de feu et a la voix de sirene, qu'il finira par tuer, a sa demande expresse; son souvenir le poursuivra longtemps et le poussera en fin de compte a se faire moine; entretemps il se sera enrole dans l'armee a la place d'un conscrit et s'y conduira en heros, par defi, par mepris de son existence; il aura toujours ete demuni mais jamais a plaindre; il n'aura jamais eu a manger pour son poids, mais il aura toujours bu plus que sa contenance. Un pauvre here. Un heros du petit peuple.

Leskov ecrit en une langue fleurie, sans trop d'efforts de style, qui convient au personnage qui se raconte. Son livre est celui d'un conteur populaire, capable de s'attacher son audience des heures durant. Tour a tour amusant, effrayant, emouvant et ironique, mirobolant, fantasmagorique, entremelant le veridique et l'incroyable, il enivre. Ou plutot il incite a se ruer dans le traktir (auberge) le plus proche pour s'empiffrer de kacha ou de tolokno (bouillie d'avoine) pour un piatak de cuivre ( = 5 kopecks) et se noyer dans une eau de vie d'epluchures de pommes de terre pour un rouble d'argent. Ce n'est que comme cela que la vodka devient eau de vie de poemes de terre. Exactement comme ce livre. Un poeme de terre. Sur la grande terre russe et sur ses habitants, qui la boivent jusqu'a la nausee.
Commenter  J’apprécie          430



Ont apprécié cette critique (36)voir plus




{* *}