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Critique de Malaussene


« Flamboyant », « stupéfiante », « époustouflante »... autant d'adjectifs utilisés par la Presse pour évoquer le style et l'écriture de Beraber qui signe son premier roman avec La Grande Idée. La lecture révèle, en effet, un grand styliste qui s'affirme dans le déploiement d'une narration généreuse, et homérique. Nouvelle Odyssée, cette Grande Idée est la quête d'un homme – le héros, grec, ou le traître d'une guerre oubliée des années 1920 – par un thésard. Ce dernier suit la piste du fameux Saul Kaloyannis. Fameux, car tout le monde semble le connaître, de près ou de loin. Pourtant plus l'enquête progresse, plus ce Kaloyannis semble fuyant, vaporeux . Mythique, en somme. Après tout, dans le domaine du « récit de vie extraordinaire, personne ne sait rien ». Qu'il ait existé ou non importe peu. Après tout, comme l'énonce l'un des témoins, « un mythe, ça ne prétend pas à la clarté, ça se contredit, ça s'oublie parfois dans des détails qui n'ont rien à voir. » Finalement, il suffit de fermer les yeux: certains récits recueillis à son sujet sont d'ailleurs de seconde main : « Je n'étais pas là. Je n'ai rien vu. J'imagine juste, et tout cela n'aura pas de valeur si, à ton tour, tu n'essaies pas aussi d'imaginer » glisse un autre des témoins interrogés. L'imaginaire. C'est le domaine où Beraber exerce tout son talent, interrogeant le réel à la recherche de l'image juste – miniature éloquente ou fresque monumentale, sujets naïfs ou impressionnistes – à mesure que son personnage interroge les témoins du passage de Kaloyannis dans le XXe siècle. Cette quête de la mimesis, qui se superpose à la quête de son personnage, Beraber la thématise et la métaphorise avec brio tout au long du roman, dans le sublime chapitre III notamment, qui fait entendre le témoignage d'un peintre qui, jadis, croisa la route de Kaloyannis et d'Henri de Monfreid et qui se servit des traits du premier pour représenter le second ; déplorant que ses traits évoluent sans cesse « comme la ligne des vagues ou les tempêtes de sable. » Et quand le premier parle du second à ses compagnons, le peintre le soupçonne de parler de lui-même, si bien que le portrait des deux hommes se confond et que la Vérité s'égare, encore. Parce qu'elle est ailleurs, dans la beauté et la poésie. Comme le peintre derrière sa toile blanche, qui choisit ses couleurs, l'auteur « se donne à cette quête », choisissant « exactement ses images », tâchant de saisir comme son avatar, « la lumière qui vacille, qui menace s'éteindre, l'éternité ». Pourtant, le réel se dérobe parfois, le spectacle des choses « épuisant toute métaphore ». Alors, « il faut tricher, inventer, raccourcir, recourir aux portraits anciens ». Et Beraber s'y applique, développant les négatifs oubliés de l'Histoire dans le bain révélateur de la fiction. On découvre alors des instantanés hallucinés, parfois drôles, légendés par des formules sentencieuses et définitives que n'aurait pas renié un autre galérien du XXe siècle, Bardamu, héros-narrateur du Voyage au bout de la nuit : « C'est cela, l'histoire des civilisations : une démence collective saisie par accident avec beaucoup de magnésium. » lâche un des personnages.
Saura-t-on, in fine, « la Vérité » sur Kaloyannis ? Au lecteur de le découvrir. Mais ne nous y trompons pas, celle de l'auteur ne fait aucun doute, c'est la Littérature.
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