AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de dannso


dannso
18 décembre 2021
Une carte postale de l'opéra Garnier, non signée, arrive au domicile de la famille de l'auteure en janvier 2003. Quatre prénoms sont écrits dessus : Ephraïm, Emma, Noémie, Jacques. Rien d'autre. Ce sont ceux des grands-parents et de l'oncle et la tante de la mère de l'auteure, tous morts en déportation en 1942.
Près de 20 ans plus tard, l'auteure va vouloir comprendre et se lance dans une enquête pour savoir qui a envoyé cette carte.
« J'avais atteint cet âge où une force vous pousse à regarder en arrière, parce que l'horizon de votre passé est désormais plus vaste et mystérieux que celui qui vous attend devant. »
Elle va ainsi retracer avec l'aide de sa mère l'histoire de leur famille et s'interroger sur ce que signifie pour elle être juif, aujourd'hui, elle qui n'a jamais pratiqué de rites religieux.

Ce livre est construit en plusieurs parties. J'ai trouvé passionnante celle consacrée à l'histoire de la famille Rabinovitch, de la Russie à Paris, en passant par Riga et par la Palestine. J'en ai aimé les différents personnages : du patriarche, lucide avant l'heure, qui s'installe très tôt en Palestine et conseille à toute sa famille de se mettre à l'abri, aux grands -parents, Ephraïm et Emma, qui eux choisissent de d'installer en France :
« Papa....ne dit-on pas "Heureux comme un Juif en France ?" Ce pays a toujours été bon avec nous. Dreyfus ! le pays entier s'est levé pour défendre un petit Juif inconnu ! »
Mais ils ne deviendront jamais français malgré leurs demandes répétées. le portrait d'Ephraïm m'a particulièrement touchée : cet homme qui refuse la religion, qui a participé au début de la révolution en Russie, ingénieur créatif, qui fondera sa propre entreprise et déposera des brevets ne comprendra jamais le piège qui se referme sur lui et sa famille. Il obéira à tout, se montrera docile, par confiance en ce pays dont il rêvait d'acquérir la nationalité. Jusqu'au dernier moment, il ne va jamais cesser de penser que les autorités sont là pour lui venir en aide. Son seul moment de révolte servira à sauver la vie de sa fille ainée, Myriam, dont la fille Lélia recevra cette carte postale étrange en 2003.
L'auteure termine cette évocation par les heures noires de la déportation et suit les destins de Noémie et Jacques, frère et soeur de Myriam, de leur arrestation, un soir de liesse, malgré la guerre : c'est le 13 juillet 1942, et les jeunes de leur génération s'apprêtent pour le bal et les émois de leur âge.
La fin de cette partie est particulièrement émouvante, et nous rappelle l'inhumanité du traitement de ces hommes, femmes et enfants, entassés dans des camps en France avant d'être déportés.
L'histoire de la famille est principalement basée sur les recherches effectuées et les documents rassemblés par la mère de l'auteure. Celle-ci dans la partie suivante, qui se déroule presque uniquement à l'époque actuelle reprend l'enquête toujours avec l'aide de sa mère et nous conte les difficultés rencontrées, suite à la disparition de documents officiels de la période de la guerre ou à la réticence des autorités à les communiquer. Elle se questionne seule ou avec sa mère sur son identité, la signification pour elle d'être juive alors qu'elle ne pratique pas. Elle n'est pas juive quand cela l'arrange, comme lui lance au visage une femme jalouse. Elle trouvera plus tard la réponse :
« Je ne sais pas ce que veut dire "être vraiment juif" ou "ne pas l'être vraiment". Je peux simplement t'apprendre que je suis une enfant de survivant. .... Quelqu'un qui fait les mêmes cauchemars que sa mère et cherche sa place parmi les vivants. Quelqu'un dont le corps est la tombe de ceux qui n'ont pu trouver leur sépulture. »
La dernière partie qui raconte la vie de Myriam, après un court intermède sur les prénoms et leur impact sur le comportement de ceux qui les portent, est celle qui m'a le moins touchée. Elle m'a paru plus détachée de la vie des survivants, sans doute plus romancée, puisque Myriam n'a jamais rien raconté de sa vie à sa fille. Les sources de l'auteure sont des extraits de livre dans lesquels le nom de sa grand-mère est mentionné et à partir desquels elle construit la vie de celle-ci. J'ai trouvé ce récit moins passionnant, se démarquant moins d'autres que j'ai pu lire sur cette période.

Un livre utile, non seulement par l'histoire de cette famille, mais aussi par les questions qu'il pose, et qui nous poussent à réfléchir sur notre perception de la différence et notre comportement vis-à-vis de celle-ci.
J'ai aussi beaucoup aimé les différentes visions des relations mère-fille, jamais simples, mais qui peuvent se révéler si riches, comme celle de l'auteure avec sa mère.
Merci infiniment aux éditions Grasset pour ce partage. #Lacartepostale #NetGalleyFrance
Commenter  J’apprécie          608



Ont apprécié cette critique (57)voir plus




{* *}