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Critique de Lutopie


Un huit clos, une chambre humide ; une chaleur, sordide. Un corps désincarné, une vie ratée, raturée. Les actes sont niés, les évènements, les choix, supprimés, les gens, éliminés, les uns après les autres. Cette pièce, c'est « le dernier des paradis », c'est l'enfer, ou c'est le purgatoire, une attente s'installe. On attend la mort de Monsieur M.
Personnages annoncés d'entrée de jeu : 3 cancrelats, le Narrateur et Monsieur M. D'autres personnages seront pourtant convoqués comme le Deus ex machina qu'on ne peut réduire au personnage du narrateur. Sybille Berg, marionnettiste, fait intervenir le marionnettiste suprême. Dieu ? Créateur ? Manipulateur de la Vie ? de la Mort ? Tout est réductible à un seul acte. Plusieurs scènes s'ensuivent - des évènements de la vie de Monsieur M. - décomposés - articulés par une structure narrative complexe. On a un corps textuel préalablement disséqué. Les cancrelats s'intéressent de près aux stades de la décomposition. Monsieur M. se meurt. Monsieur M. est un homme qui a quitté la vie dès ses dix ans. Un monologue intérieur/extérieur se déroule, perturbé, parasité par les cancrelats, ces éléments extérieurs, ces parasites venus d'ailleurs, qui sont là et qui jouent aux cartes, qui s'amusent, pour passer le temps. Ces représentants de la mort sont marrants mais l' humour est glauque, et ces trois cancrelats, absurdes, morbides, rappellent la Métamorphose de Kafka.
Monsieur M. reste extérieur à lui-même. Il s'observe. Il a une mission : il doit choisir le moment heureux qu'il souhaite revivre. Monsieur M. a passé sa vie à sélectionner, à classer les sentiments et les évènements intérieurs qui "sont comme des organes". Il cherche un sens à sa vie. « [N]ous cherchons tous un sens à notre vie auquel nous puissions nous soumettre » (p.51) Comme si on était tous régis par un marionnettiste. La machine de la mort, livrée en kit, qu'il doit réassembler, lui demande de faire un choix. Il cherche, dans ce qui lui reste, dans sa biographie, dans ce qu'elle a de plus biologique mais il ne reste rien, parce qu'il a tout quitté, qu'il a quitté la vie, qu'il est vide, qu'il reste un corps sans organes.
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