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Critique de chapochapi


La couverture de l'éditeur ne trompe pas : voilà ce qu'on appelle un roman exigeant ! je n'ai pas tout compris mais cela n'empêche pas d'adorer. Je vais essayer de raconter ma lecture...

On suit le parcours de deux hommes. Kateb est arabe, il a émigré en France où il a épousé Dora, dont il a deux enfants. Mais même après la seconde guerre et après avoir combattu aux côtés des français, être arabe, surtout en pleine guerre d'Algérie, est très mal vu. Kateb vit donc le racisme et la méfiance ambiante, ainsi que sa femme. Et c'est probablement ce qu'il ne supporte pas : qu'elle soit perçue comme traitre à sa nation (à sa race ?). Et puis il y a la nuit du 17 octobre 1961 et leur vie bascule. Il y a ensuite Malo, parti faire son service militaire comme médecin en Algérie, revenu après la guerre, marié à Lorraine, fille de colon et donc pied noir. le retour auprès de la mère et la soeur s'avère étouffant : trop protectrices, ces dernières rejettent la nouvelle épousée et s'accaparent le fils prodigue. Nouvel équilibre à trouver entre toutes ces femmes, ces cultures si différentes : celle de la France vendéenne, austère et blanche, celle de l'Algérie colorée et joyeuse.

Le récit alterne les deux histoires mais il alterne aussi les points de vue. L'énonciation bascule en permanence : tantôt Malo (par exemple) parle, puis un narrateur omniscient prend le relai, laisse la parole à un tiers personnage, puis retour aux pensées de Malo. de fait, on glisse de ce "il" distancié au "je" dans une même phrase, laissant le lecteur s'emmêler dans ces histoires/ confessions/ témoignages/ anecdotes. Et puis il y a ces pensées qui se mélangent : Malo parle-t-il de lui ? des amants entendus ? de son ami disparu ? Et qui est ce personnage à la cicatrice sur la lèvre : Kateb ? Malo, ou l'amant ? On ne sait plus car tout se mêle dans l'esprit des personnages et tout se confond dans celui du lecteur. D'où une réelle difficulté à saisir parfaitement ce qui se dit dans ce roman.

mais en fait, cela importe peu si on accepte de se laisser porter par ces histoires mêlées, qu'on ne cherche ni chronologie ni cadre précis auxquels se raccrocher. Il faut accepter de ne pas tout comprendre, de ne pas tout maîtriser : cela n'enlève rien au plaisir. Car ce livre est écrit comme un cri de rage ou de désespoir. L'auteur ne crie pas ; il n'est pas assez mièvre pour cela. Ce cri, il vient des personnages, tantôt en colère, tantôt abandonnés, baissant les bras devant leur impuissance à renverser des situations trop grandes pour eux. Et ce cri se traduit dans les rythmes du récit : parfois saccadé, phrases courtes, sèches, colériques ou factuelles ; et puis ample, lorsque les idées s'enchaînent sans s'arrêter et que la parole se libère.

J'adore, parce que le style est là, que cette incompréhension n'est pas le fait d'une prétention intellectuelle mais qu'elle se justifie par les finalités du récit. Pas de message de l'auteur, mais les témoignages d'individus qui n'ont pas existé et qui racontent la France des années 1960.
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