AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de le_Bison


L'orage gronde, le ciel devient noir, black is back, un noir devant moi, il me sert un verre de rhum, couleur ambrée, rhum de la Martinique. La chaleur m'envahit, comme la flemme dans mon hamac, une négresse joue de sa feuille de bananier, gros seins nus qui se balancent, je me balance dans le hamac, les esclaves faut que ça serve, ses charmes me tiennent éveillés. La Martinique, première partie de mon voyage où je découvre l'avis d'un « éveillé », Mathieu Léveillé. Normal qu'il se réveille après une séance de torture, sous le coup de la loi. Je ne comprends pas pourquoi abîmer la marchandise, en lui coupant un jarret. Toujours est-il que ce cher Mathieu (enfin pas si cher que ça, ça ne vaut pas le prix d'un kilo de café ou d'un tonneau de rhum) est condamné avec ses deux jarrets à la pendaison, avant même un café noir.

Pendant que je balance toujours mes rêveries coloniales au grès de la bise et du hamac, Mathieu Léveillé broie du noir dans sa cellule, dans le noir. On ne va tout de même pas installer une lumière, encore moins tenir la chandelle à ses désirs de fuite. Mais une étrange proposition lui sera faite, qui le tiendra éveillé toute la nuit. Quoi qu'il n'ait pas vraiment hésité bien longtemps, le noir veut vivre. Pour échapper à la corde, il se voit proposer un job, un peu mieux payé que rien du tout, et c'est toujours mieux que de s'exercer aux noeuds coulants. Quoi que dans son nouveau métier, il devra savoir faire autant les noeuds marins que ces noeuds coulants. Et hop, destination le Canada, qu'à l'époque on appelait encore Nouvelle-France, pour rester esclave mais devenir bourreau. Plus de chaînes à ses pieds, désormais, ce sera lui le maître des clés, des cadenas, des chaines et des brodequins.

Au Canada, il fait frette. Mathieu qui n'a vu que le soleil de Martinique, et ses ancêtres le soleil de l'Afrique, en fait la douloureuse expérience. Attention à ne pas geler ton gros majeur, dans ce tourbillon de blizzard, fuck le blizzard dira-t-il même. Et puis, au Canada, il est seul. Il se sent seul. Les administrés l'ont bien compris, un homme seul, ça déprime et ils ne veulent surtout pas perdre leur nouveau bourreau qu'ils ont eu tant de mal à engager. Il faut d'urgence commander une négresse esclave en Martinique pour la faire femme et épouse. En attendant, pelleter la neige sur la place publique et continuer le job, le fouet, la torture, les exécutions. Même s'il est toujours seul parce que personne, noir ou blanc, ne veut fraterniser avec un bourreau.

Serge Bilé, d'origine ivoirienne, est journaliste à France Télévision, correspondant en Martinique. Il a beaucoup écrit sur l'esclavage et milite activement pour que le lecteur ou les administrés n'oublient pas cette période sauvage et inhumaine qui traite certains hommes comme de la marchandise – qui ne vaut d'ailleurs pas grand-chose – simplement parce qu'ils sont noirs et de fait esclaves. de Mathieu Léveillé, il ne sait au final que peu de faits de sa vie. Les grandes lignes, et de conjectures en conjectures, il reconstruit son histoire, sur des faits vérifiés et sur des suppositions. Difficile de se mettre à la place de cet esclave devenu bourreau, mais toujours est-il que cette histoire extraordinaire se lirait presque comme un roman et qu'elle fait partie de l'histoire de notre pays et de celle de la Nouvelle-France qui deviendra quelques années plus tard, terre canadienne.
Lien : https://memoiresdebison.blog..
Commenter  J’apprécie          412



Ont apprécié cette critique (36)voir plus




{* *}