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Critique de dourvach


"Le Wendigo" ("The Wendigo") est un récit fantastique magistral dont la première publication en qualité de "short story" date de 1910 : son édition définitive en recueil par J. Baker Publishers Ltd. à Londres date de 1964. Il y est question d'une malédiction antique des grandes forêts canadiennes. L'approche d'une bête monstrueuse est annoncée. On sait que lorsque "la chose" se manifestera, une peur panique vous saisira pour vous arracher du sol lorsque vous voudrez fuir la menace. Une odyssée de la Contamination.

L'histoire s'annonce paisiblement autour de la réunion saisonnière et presque habituelle de deux chasseurs d'élans, Hank Davis (solide et rationnel) et Joseph Défago (ombrageux et superstitieux), servant de guides à un docteur d'Aberdeen et à son neveu, un jeune pasteur. le quintet - puisque s'y adjoint un Amérindien silencieux - est plongé dans un environnement forestier majestueux... Mais l'élan se fait craintif, cette année-là... Une expédition s'annonce : on laissera le camp de base et l'on s'approchera, en deux groupes, du Lac aux Cinquante îles pour surprendre les troupeaux... Les protagonistes sont peu à peu contaminés insidieusement par la peur et l'effritement de toutes leurs certitudes... L'esprit humain vacille... "La chose" finira par s'emparer de l'esprit et d'une partie du corps de l'un d'entre eux : la transformation la plus manifeste résidera dans la peau du visage qui se met à pendre (de s'être rapprochée des étoiles), tout comme les yeux qui se mettent à saigner pour la même raison... et surtout dans les pieds de la victime, qui finissent par perdre leur aspect humain et finissent par ressembler aux sabots du Wendigo tout en semblant carbonisés, comme s'ils avaient pris réellement feu dans la vitesse d'une course éperdue à la cime des érables et des mélèzes... Cette victime sera justement celui qui redoute le plus cette terrifiante malédiction des forêts canadiennes : le Canadien français superstitieux... Ceci dans une belle assonance : car c'est bien le guide - canadien français - Défago qui verra (et vivra) le Wendigo !
La conclusion se recentrera d'ailleurs sur le système de croyances de l'Amérindien dénommé "Punk", qui fuit l'expédition qu'il venait d'accompagner et - comme le relate la dernière phrase - "connaissait le sens de tout cela : "Defago avait vu le Wendigo".

On retrouvera d'ailleurs ce schéma narratif dans l'excellent premier film "Projet Blair Witch" de Daniel MYRICK et Eduardo SANCHEZ [1999], dont le tournage eut lieu dans une forêt du Maryland. le plus beau - ou le pire - dans "Le Wendigo" est qu'on ne le verra jamais : juste ce "fantôme d'odeur" que l'Indien sent - dans la nuit qui précède le départ de l'expédition - descendre du Lac aux Cinquante îles...

Cette malédiction des Grandes Forêts vous transformera, vous rendra étranger aux autres, insidieusement méconnaissable, bien que "presque" semblable à votre apparence première... Modifié de l'intérieur. On songe là aux aspects premiers (effrayants) des transformations subies par les malheureux protagonistes de "The Thing" de John CARPENTER (1985) : mais, dans cette longue nouvelle de Blackwood (1910), ce qu'est réellement "The Wendigo" gardera également tout ses mystères (organiques comme spirituels)...

Première des cinq nouvelles de ce recueil du Maître britannique de l'étrange, Algernon BLACKWOOD (1859-1951) dont l'art fantastique suggestif s'apparente effectivement à celui du "Maître" Arthur MACHEN ("Le Grand Dieu Pan", "Le peuple blanc"), d'Edgar Allan POE (celui de "La chute de la Maison Usher") ou de Henry JAMES (celui de "Le tour d'écrou").

L'auteur, né en Angleterre, connaîtra des années très difficiles jusqu'à l'âge de 35 ans : ses échecs professionnels récurrents l'amèneront à vivre dans l'extrême précarité sur la côte est des Etats-Unis, en particulier à tenter de survivre au sinistre quartier "Tammany Hall" de New York (que le film "Gangs of New York" [2002] de Martin SCORSESE a rendu célèbre depuis... ). Il s'installera en 1905 dans le Jura suisse, là où il commence à écrire : dès sa publication en 1908, sa nouvelle "John Silence", chef d'oeuvre du "récit policier surnaturel" (son personnage-titre, "détective de l'occulte" est décrit comme un "Sherlock Holmes du surnaturel, combattant par des moyens naturels les forces démoniaques qui menacent notre monde"), rendra le nom de Blackwood immédiatement célèbre... Sans quitter son "havre de paix" helvétique, il publiera par la suite des "short stories" à caractère majoritairement fantastique et dont il pourra vivre... Ses nombreuses nouvelles seront extrêmement appréciées - et constamment rééditées - dans son pays natal, en particulier.

La deuxième nouvelle du recueil - "Celui que les arbres aimaient" - est un long récit d'inspiration animiste, évoquant le climat d'irréalité magique du second roman de Dino BUZZATI ("Le secret du Bosco Vecchio", 1935, magnifique et trop méconnu...) et les meilleures nouvelles de Rabindranath TAGORE ("Le Vagabond et autres histoires"). L'humain y accomplira sa mue et accèdera bientôt à sa nouvelle identité végétale - à la fois poétique et salvatrice... L'arbre,"Insan al kamîl" : cet "être parfait" des Soufis...

On découvrira avec plaisir ces cinq récits dans l'excellente traduction de Jacques PARSONS, réalisée pour la fameuse collection de poche "présence du futur" des éditions Denoël (1972).

Ce recueil de 224 pages contient les 5 nouvelles suivantes :

- "Le Wendigo" ("The Wendigo", 1910 - réédition : 1964) : pages 11 à 69
- "Celui que les arbres aimaient…" ("The Man Whom the Trees Loved", 1912 - réédition : 1964) : pages 71 à 158
- "La Danse de mort" ("The Dance of Death", 1907 - réédition : 1962) : pages 159 à 171
- "Complice par omission" ("Accessory Before the Fact", 1914 - réédition : 1962) : pages 173 à 181
- "Passage pour un autre monde" ("The Trod", 1946 - réédition : 1962) : pages 183 à 221
Lien : http://www.dourvach.canalblo..
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