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Critique de Colchik


Un bordel en Suisse. Une vingtaine de prostituées qui trompent leur ennui entre deux clients. Certaines sont jeunes, venues d'une banlieue lyonnaise ou marseillaise, d'autres ont suivi les routes commerciales du sexe et leurs escales obligatoires en Hollande ou en Allemagne. Toutes sont là pour gagner de l'argent, parfois beaucoup d'argent, qui sera dépensé en vêtements, accessoires de grandes marques ou – l'âge venant – en opérations de chirurgie esthétique. Elles pensent pouvoir un jour quitter la prostitution pour vivre autre chose. « Pute un jour, pute toujours » claironne la tenancière du bordel et l'on frémit en voyant le piège se refermer sur ces filles fragiles. Elles ne sont pas par nature faibles, influençables, imprévoyantes, vénales, mais elles le deviennent parce qu'elles sont le produit d'un milieu et d'une éducation.
Beaucoup d'entre elles sont de jeunes maghrébines sans espoir de réelle émancipation sociale dans leur banlieue. Elles ont abandonné tôt l'école, elles ne veulent pas d'un travail mal payé et craignent de tomber sous la coupe d'un père, d'un grand frère, d'un mari qui dictera sa loi. Que deviendront alors les rêves de consommation de luxe, l'image sur-valorisée de la femme parée comme une idole, le fric qu'on claque sans se soucier ? Pour échapper à un destin qui leur semble tout écrit, elles prennent chaque semaine le train pour la Suisse et travaillent au salon pour amasser en quelques jours et nuits autant d'argent qu'elles le peuvent. Pourquoi pas ? se prête-t-on à penser, si tel est leur choix. Mais la double impasse où elles se trouvent piégées se révèle peu à peu sous nos yeux. Tout d'abord, l'argent s'évapore, dépensé aussitôt que gagné dans une boulimie d'achats. L'argent pour plus tard, l'argent sécurité, les économies ne sont qu'une illusion comme le reste, car leur activité n'existe pas pour l'économie officielle, comme elle n'existe pas pour leur famille. En un tour de passe-passe, les euros partent en fumée. Ensuite, comment sortir de la prostitution ? Si le seul intérêt de cette activité est sa lucrativité, il faut constater qu'elle détruit et modifie fondamentalement les ressorts psychiques, émotionnels et physiques de l'individu. L'apathie, la facilité, la frustration, la lassitude empêchent ces filles de se projeter dans un autre univers.
le reportage de Sophie Bonnet est remarquable parce qu'il est brut, sans commentaire, et d'autant plus percutant. Nous en sortons assommés et infiniment tristes.
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