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Critique de EvlyneLeraut


« Écrits du soir, tard » L'incipit donne la gamme d'un récit épistolaire mais pas que. On entend les vagues se heurter contre les rochers. Kerbihan se dévoile dans l'orée d'une histoire très belle, intime et troublante. Jean est brillant. Ethnologue, chercheur, il se trouve avec le narrateur plus jeune, dans un antre isolé, de faible espace, en promiscuité, éloigné d'un conventionnel placé au plus juste du raisonnable. C'est ici la beauté de ce récit. Ils vont travailler ensemble, rassembler les recherches de Jean. Fusionner dans ce temps hautement intellectuel, discuter apprendre de l'autre. Jean est calme, aérien, posé. le narrateur glisse dans ses désirs les plus profonds, inavouables. Il écrit en rythme pavlovien les jours qui passent, ses ressentis, lames de fond, bruit du vent, ce qui s'élève dans ces jours où l'attirance pour son lointain cousin le rend fébrile, maladroit et frustré. Jean lui explique que les Esquimaux savent l'existence d'amants fantasmatiques. Jusque-là tout va bien. Sauf que ces derniers répondent aux champs des paraboles, aux fantasmes, aux désirs qui peuvent par les images seules s'avérer plausibles. Dans cet habitacle autorisé le narrateur va jouer sa carte salvatrice. Chercher l'issue et s'autoriser aux extrêmes pulsions. On ressent à contrario une douceur de ton, mais une lourde ambiance oppressante pour le narrateur, empreinte de psychologie, de sexualité éclatée, verre qui va se briser au sol en mille morceaux. Jean est mystérieux, pragmatique, beau comme un dieu, gracile et attirant. le narrateur l'admire, et pourtant chacun de ses gestes est fantasmé, il n'ose pas. Si les Esquimaux savent et comprennent l'enjeu fantasmatique pourquoi pas notre narrateur ? Ce dernier plonge dans ses torpeurs, le journal devient un exutoire. Il cherche dans le labyrinthe de ses attirances, la somme du fantasme. Il va faire un pas de côté entre l'Arctique démystifié et le Finistère. Rencontrer des hommes jusqu'à plus soif dans un Kerbihan étrange, entre ombres et chimères. A l'instar d'un assouvissement sexuel, avide et passionnel. le mystique, le criant affirment le fantasme réalisé. Tout change soudain dans ce récit entrecroisé, bleu-nuit puissamment viril. Chevelures masculines s'agrippant à la Lande austère, observatrice et de délivrance vêtue. On ressent l'écriture de Guy Bordin comme un souffle dans un enjeu d'une narration qui bouscule tout diktat, toute retenue mentale. L'histoire est mousse, gestuelle, vivifiante, malgré ce crissant des frustrations pour le narrateur. On est dans ce sombre qui interpelle, on boit un café noir très serré. On pressent ce quelque chose qui va remonter à la surface après la bataille du filigrane sur le journal du narrateur. La trame est digne, capable et masculine. On aime plus que tout cette maturité, symbiose d'un livre superbement volontaire. Les garçons prennent vie dans les lignes. La puissance des désirs, les idéologies qui se torturent parce qu'elles n'osent pas. C'est aussi cela la formidable teneur de ce récit, la liberté d'être soi-même. Renouer avec ses fantasmes et croire en cette capacité sexuelle et assouvie. Les Esquimaux sont les guides ici. Dans cet épistolaire qui devient comme une Lande sauvage et rebelle. Une farandole d'hommes encerclés entre rêves et insoumissions. La folie serait de ne pas bouger, de feindre. Où le narrateur va-t-il emmener le lecteur ? « L'amant fantasmatique Journal de Kerbihan » est dans cette littérature affirmée, capable et résistante. La rencontre est surprenante et osée. Elle bouscule tout et frappe de plein fouet tel le vent les persiennes des impossibilités. On pénètre le coeur de l'homme, chacune des perles de sueur, chacun des fantasmes dans cette magnificence d'un lâcher-prise hors pair. le risque prend la fuite dans cette Lande sauvage, aux abois. le narrateur pénètre subrepticement, irrévocablement son propre huis-clos. Ne rien dire de plus ! « L'Amant fantasmatique » est dans cet entre monde mené d'une main de maître. Captivante, superbement masculine cette histoire encercle les fantasmes à l'instar des aurores boréales. « Quantum Scandola » Publié par les Éditions Maïa.
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