AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de TerrainsVagues


« Fils de la mer. Une vie d'aventures » ou comment un boulanger installé à La-Chaux-de-Fonds, au coeur du massif du jura Suisse et à quelques encablures du lac de Neuchâtel, plaque tout pour aller faire le tour du monde à la voile avec femme et enfants.
Des enfants qui vont devenir célèbres et incontournables dans le milieu de la course au large des années 80 à 2000, Laurent et Yvan Bourgnon.
« Fils de la mer » est le parcours d'Yvan, le cadet, qui dit sa passion pour la mer depuis toujours.
Quand on dit « Suisse », on ne pense pas immédiatement à océan et quand un boulanger Suisse n'ayant jamais navigué se met en tête de construire un voilier et de partir faire le tour du monde avec sa petite famille, on peut avoir un léger doute quant à la réussite du projet.
Voilà un bel exemple de quelqu'un qui contre vent et marées va réaliser son rêve fou et par la même occasion donner le gout de l'aventure à ses enfants.
J'avoue que les premiers chapitres m'ont laissé perplexe. Ce n'est pas que l'histoire de la famille Bourgnon soit sans intérêt, bien au contraire, mais l'écriture par procuration m'a vite lassé. Quand je dis par procuration je veux dire que je pense qu'Yvan Bourgnon a raconté (ou peut être écrit) et que Christian Bex (spécialiste des sports d'aventure et de la voile, confident des grands navigateurs dixit la 4e de couv) a réécrit ou remis en forme. Une écriture qui pour moi n'est pas « habitée » et qui retire de la force à ces destins hors du commun que sont ceux de la famille Bourgnon.
Et puis petit à petit, le style s'efface au profit de l'aventure jusqu'à être complètement accessoire tant l'océan emporte tout sur son passage.

Je ne connais rien à la voile et j'imaginais un monde qui n'existe pas. Cet univers est impitoyable et si je sais l'humilité qu'il faut pour taquiner les vagues et en faire un terrain de jeu (avec une planche sans voile), si je sais que l'océan tolère celui qui vient à sa rencontre mais puni le prétentieux, je ne pensais pas que les derniers aventuriers (avec peut être certains alpinistes) que sont les navigateurs (solitaires ou pas) puissent succomber à la loi de la jungle. le monde de la course au large est un monde où l'argent est roi. On ne parle pas de quelques milliers d'euro mais de centaines de milliers pour la moindre réparation et de plusieurs millions pour mettre au point les formules 1 de la mer. La course aux sponsors et l'attitude de la majorité d'entre eux est à vomir. Certains navigateurs (parmi les plus connus) n'hésitent pas à piquer un sponsor à un concurrent comme c'est arrivé à Yvan Bourgnon. Bref, il faut savoir serrer les dents et prendre sur soi pour vivre sa passion.
Des embûches, Yvan Bourgnon en a connu plus que de raison tout au long de sa carrière. Trainant une réputation de chat noir, sa force de caractère a fait qu'il s'est toujours relevé là où le commun des mortels aurait tout envoyé promener. Une malchance chronique rarement due à de mauvais choix a contrariée une carrière qui aurait due être beaucoup plus titrée, plus reconnue.
Au fil des pages, Yvan Bourgnon nous fait embarquer pour une traversée de l'Atlantique, un passage du Cap Horn, une route du rhum, un Québec Saint Malo. Nous cassons avec lui, les avaries se succèdent, nous restons bloqués avec lui pendant cinq jours sous son bateau après un chavirage dans la route du rhum 2002, cinq jours avant d'être secouru, cinq jours dans une mer démontée sans rien à boire et à manger. le bonhomme est toujours debout, respect.
Autant vous dire que le style qui m'a dérangé au début, je ne l'ai plus remarqué très rapidement tant j'ai été happé par cette houle permanente qu'est la carrière de l'auteur.
Carrière qui a pris fin après un énième coup bas, un règlement qui change et qui met hors course son bateau, son unique bien. Il se retrouve sans domicile, sans argent, à la rue.
Là encore, le bonhomme est toujours droit sur ses jambes plein de projets et de rêves en cours de réalisation. Re respect.

Dans « Fils de la mer » il est aussi bien entendu question de son frère Laurent au palmarès impressionnant, disparu en mer en 2015 au cours d'une plongée en Polynésie où il vivait. Un rapport fraternel assez particulier entre ces deux hommes aux conceptions si différentes d'une passion commune.
Le loup de mer évoque aussi les femmes de sa vie, Solène, la fille disparue de PPDA qui a choisi de quitter le monde alors qu'ils étaient en couple et qu'elle semblait aller mieux, Florence compagne des années galères.
Ce bouquin m'a fait voyager dans ce qui est pour moi le plus bel endroit qui existe au monde, l'océan. Et puis le petit plus avec cette possibilité de visualiser les chantiers où ont été réparés et mis au point certains des bateaux des Bourgnon à La Trinité sur Mer et à Saint Philibert, là où ils ont habité et que je connais bien pour habiter à coté.
Des rêves par procuration comme ça, j'en veux bien tous les jours.
Merci à Babelio et aux éditions Arthaud (Florence est évoquée rapidement comme tant de grands noms de la voile) pour l'envoi de ce livre dans le cadre de l'opération « Masse Critique ».

Là où tout a vraiment commencé pour Yvan Bourgnon :
« Je n'avais pas plus de dix ans et je faisais le fier. Aux Marquises, j'ai touché du doigt une autre compréhension de la vie, une autre manière de nous situer sur terre. Perdre sa vie à vouloir la gagner ne lui donne aucun sens. le travail, la carrière, la promotion, pour finalement aboutir à la retraite ne représente rien dans la culture et l'esprit des Polynésiens. Leur manière de voir l'existence reste proche de la nature, ils vivent au jour le jour, une version « douceur des îles » du carpe diem classique. Je suis resté marqué par cette civilisation qui a orienté toute ma vie, comme elle a profondément imprégné le mode de vie de mon frère et de Charles et Suzon, mes parents bien aimés qui nous ont ouvert les yeux ».
Commenter  J’apprécie          367



Ont apprécié cette critique (34)voir plus




{* *}