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Critique de Presence


Ce tome regroupe les 5 épisodes de la minisérie parue en 2012 ; ils forment une histoire complète qui s'insère dans la continuité du Spider-Man version Utlimate, deuxième du nom (Miles Morales) apparu pour la première fois dans Death of Spider-Man fallout.

Dans l'univers 616 (la réalité principale du multivers Marvel), Spider-Man (Peter Parker) arrête un fuyard en voiture, recommence à lancer sa toile de building en building, et aperçoit une étrange émanation d'énergie, en provenance d'un dernier étage. Il se rend sur place, se bat contre un de ses ennemis récurrents qui a réussi à fabriquer un passage entre les dimensions. C'est ainsi que le Spider-Man original se retrouve dans l'univers 1610 (celle des Ultimates). Il ne prend conscience que très progressivement de son déplacement dimensionnel, d'abord en se rendant compte que son appartement est occupé par quelqu'un d'autre, puis en se retrouvant face à un jeune individu portant également un costume de Spider-Man, mais différent du sien. Petit à petit il redécouvre des personnes qui ne ressemblent pas forcément à celles qu'il connaît, à commencer par Nick Fury qui est noir de peau et qui ressemble à un acteur connu.

En 2000, Marvel Comics décide de créer une nouvelle branche d'édition en son sein, qui a pour lettre de mission de recréer les superhéros Marvel à partir de zéro pour les rendre plus contemporains. Tout commence avec Ultimate Spider-Man en 2000, puis Ultimate X-Men en 2001, et Ultimates en 2002. L'une des règles édictée depuis le départ était la séparation rigoureuse des 2 univers 1610 et 616, pour une raison évidente de sauvegarde. Déjà qu'il s'agit des mêmes personnages dans des versions différentes, si en plus ils coexistent dans les mêmes histoires, la différentiation perdrait de son intérêt et la version 616 aurai tôt fait de prendre le dessus.

Depuis 2000, la série Ultimate Spider-Man a été relancée plusieurs fois, mais tous les épisodes depuis le départ ont été écrits par Brian Michael Bendis (en abrégé BMB). En 2012, un nouveau personnage a revêtu l'habit d'Ultimate Spider-Man ce qui rend la rencontre entre les 2 versions moins risquée.

Premier constat : l'intrigue de cette histoire est très légère, décompressée même. Peter Parker passe dans l'autre univers, rencontre plusieurs personnages 1610 dont Miles Morales. le supercriminel effectue quelques magouilles. Parker revient dans l'univers 616. Soit le lecteur s'estime floué sur l'intrigue et il referme ce tome dépité, soit il est investi émotionnellement dans les personnages. Bendis s'en tient à un schéma narratif simple et très classique (oui, il y a le moment d'incompréhension entre les 2 Spider-men qui débouche sur une bagarre obligatoire), ce qui lui laisse tout loisir de dépeindre les réactions des 2 Spider-Men.

Dans un premier temps, le lecteur a un accès systématique aux pensées de Peter Parker, dans de petites cellules de texte. Il peu ainsi apprécier son humeur et sa curiosité dans l'univers 616 (avec une petite composante explicative sans être condescendante ou enfantine). Ensuite face à cette situation extraordinaire, Parker se montre volubile, ce qui fournit à nouveau un moyen d'exposition facile pour mettre en avant l'incrédulité de Parker face à sa situation, son doute de la réalité des choses, et peu à peu son acceptation. D'un côté, BMB semble adapter sa narration à un lectorat plus jeune, de l'autre les dialogues sont assez vivants pour qu'un lecteur plus vieux puisse quand même les apprécier.

Sara Pichelli réalise des planches magnifiques de bout en bout. Elle utilise un style de type réaliste et minutieux, avec un niveau de détails très élevé. le premier atout de ses planches réside dans la qualité des arrières plans, très fournis. Par opposition à la majeure partie de ses confrères, ses immeubles sont tous dotés d'une architecture spécifique et différente qui permet de croire facilement aux paysages newyorkais, ou à la maison de banlieue de tante May. Chaque façade est représentée de manière concrète et réaliste. Les intérieurs sont aménagés de manière plausible et crédible. Ce soin apporté aux différents types de décor génère un niveau d'immersion très élevé. Il y a bien quelques pages dans lesquelles les arrières plans se limitent à de jolies compositions chromatiques, mais elles sont peu nombreuses et le recours à ce dispositif sert à chaque fois la séquence.

Le deuxième atout de Pichelli est la personnalité visuelle de chacun. C'est un vrai délice de voir Gwen Stacy en lolita gothique mutine, ou May Parker en personne âgée bien conservée, une mamie battante. Il n'y a aucune trace de niaiserie ou de simplisme. Il s'agit d'une approche visuelle plus européenne qu'américaine. La ressemblance de Nick Fury avec Samuel Jackson est également très réussie, jusque dans ses postures. le lecteur se régale de ces individus à la personnalité bien rendue, à l'apparence crédible.

Le troisième atout de Pichelli est l'intelligence de sa mise en scène. Elle doit donc mettre en images le combat obligatoire entre les 2 Spider-Men. Il est possible que le scénario de Bendis ait comporté des indications de découpage des cases (et encore ce n'est pas sûr), il n'en reste pas moins que Pichelli prouve à chaque affrontement physique (et avec superpouvoirs) qu'elle a apporté un soin réel à concevoir des séquences logiques en termes de mouvement. le lecteur comprend la succession de mouvements grâce au placement des personnages et leurs différentes postures. Ce n'est pas une collection d'images pour faire joli, mais autant de séquences intelligemment pensées et conçues.

Bénéficiant des ces images soignées et de cette mise en scène adroite, chaque scène révèle sa pleine saveur. Pour un lecteur d'Ultimate Spider-Man, il voit Miles Morales avoir la chance de rencontrer son modèle qu'il croyait mort de manière héroïque. Pour un lecteur de Peter Parker, il le voit découvrir un environnement dans lequel il redécouvre plusieurs personnes qui lui tiennent à coeur (surtout tante May et Gwen Stacy). le lecteur sait bien que les actions du supercriminel n'auront aucune conséquence puisque les 2 séries de Spider-Man continuent après cette rencontre. Non seulement l'intrigue est peu conséquente, mais en plus elle n'a que peu d'importance.

Au travers des dialogues, Bendis fait passer avec habilité la jeunesse de Miles Morales : son entrain, son optimisme, sa vénération pour Peter Parker, son plaisir de découvrir. Il est immédiatement sympathique pour le lecteur, et en plus il se comporte de manière cohérente pour un adolescent. Côté Peter Parker, Bendis se montre tout aussi convaincant en dépeignant un adulte, capable de capitaliser sur son expérience (Parker refuse de tenir pour certain ce que lui montre ses yeux, ayant été abusé à de nombreuses reprises par des illusions crées par ses ennemis), volubile parce que soumis à des émotions intenses, et tout aussi sympathique à sa manière que Miles Morales. Il réussit donc son pari de montrer les différences existantes entre ces 2 versions, sans pour autant les opposer de manière basique. Pour un lecteur de Peter Parker, Bendis emporte le morceau quand Peter se retrouve face à la Gwen Stacy 1610. Bendis a l'intelligence émotionnelle de ne pas surjouer la scène, et de laisser de la place aux non-dits, incitant ainsi le lecteur à projeter ses propres sentiments. Oui, même un vieux lecteur sent l'émotion le gagner lors de ce moment fragile.

Effectivement, Bendis propose une fin très téléphonée, dont le lecteur a l'impression qu'elle surgit uniquement parce qu'il s'agit du cinquième épisode et qu'il faut conclure.

Le lecteur n'est pas dupe : il sait avant d'ouvrir ce tome qu'il s'agit d'un projet éditorial artificiel : et si les 2 Spider-Men se rencontraient ? Il a le plaisir de découvrir des dessins soignées, propres sur eux, détaillées avec une mise en scène réfléchie et intelligente. Il constate un scénario anémique et prétexte. L'avantage de cette histoire décompressée est que Bendis a la place pour développer les sentiments et le ressenti des personnages, de les faire exister et de laisser le temps au lecteur de les accompagner dans cette rencontre extraordinaire à bien des points de vue.
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