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Critique de motspourmots


Un premier roman tout en grâce et en légèreté, où transparaît la passion de l'auteure pour la danse. Une plume fine au service de tableaux qui se succèdent comme sur la scène d'un théâtre pour dessiner le portrait vibrant d'une femme décidée à avancer. de solos en pas de deux, de chutes en pirouettes, l'auteure nous offre le merveilleux spectacle de ceux qui décident d'affronter la vie en la regardant en face.

A 40 ans, Marjorie a déjà connu nombre de ruptures. L'exil à 5 ans lorsqu'il a fallu fuir le Cambodge aux mains des Khmers rouges ; la petite Tin (son vrai prénom) et sa mère n'ont plus jamais revu Chim leur père et mari resté sur place et donné pour mort. le coup d'arrêt de sa carrière de danseuse étoile, neuf ans avant la date limite à cause d'un corps trop fragile. Jusque-là, la danse lui avait permis d'exprimer les sensations et les sentiments enfouis bien profondément en elle, comme elle avait tenté de l'expliquer à Paul, son mari.

"La danse comme espace et temps. En elle, le mouvement naît, meurt puis renaît, chute et va de l'avant, tombe et se relève. La danse comme tour et retour. Un déclin prélude au rebond. Une potentialité de vie. La danse enfin comme livre d'images pour la pensée, une métaphore même du mouvement de la pensée. Une pirouette des idées. Un rond de jambe de l'esprit. Une révoltade des émotions".

C'est à ce moment que Tin choisit de devenir Marjorie et de demander la nationalité française. Une rupture pour en cacher une autre. Source d'autres tourments comme le pressent Paul lorsqu'il lui affirme "On ne change pas impunément d'identité sans que le passé vous rappelle à lui". Paul qui est bien placé pour le savoir, lui qui a construit sa vie sur une rupture familiale, lui qui doit sa rencontre avec Tin à l'évanouissement de celle-ci dans le métro où elle a cru reconnaître le visage de son père sur une affiche. Tous deux vont devoir apprendre à se libérer du poids du passé qui leste leurs mouvements, chacun en suivant son propre cheminement, pour mieux se retrouver.

Il y a de jolis moments de grâce dans l'écriture de Caroline Broué qui parvient à donner à son propos la légèreté et la souplesse d'une ballerine. Et puis il y a le magnifique personnage de Justine, la sage voisine de Marjorie et Paul dont la compréhension du difficile défi qu'est la vie va donner quelques clés à la jeune femme afin qu'elle parvienne à laisser cohabiter en paix Tin et Marjorie, ainsi que la fille, la femme et la mère qu'elle est devenue.

"Ma chère, apprenez que la destruction n'est en rien dommageable si elle s'accompagne d'une pensée malicieuse, voyez-vous. Si Pénélope détruit son ouvrage chaque nuit, c'est pour mieux le reconstruire le lendemain, et si elle le construit chaque jour, c'est pour mieux le défaire chaque nuit, comprenez-vous. Autrement dit elle gagne du temps. Elle construit sur la destruction. Vous comprenez ? Cassez, démolissez s'il le faut, mais ne perdez pas de vue que c'est pour redresser et parfaire l'ouvrage."

Une bien jolie découverte, un ouvrage plaisant à lire qui mérite le détour.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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