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Critique de EvlyneLeraut


Aériens, aux traits fins « Fée d'Hiver » de André Bucher est de soie. D'une beauté inouïe, il faut lire doucement ce nectar littéraire. Le regard fusionne avec la Drôme dont on découvre subrepticement ses plus expressifs paysages. Le Col de Perty, altier, se dresse en majesté. Nous sommes en transmutation. Le récit n'est plus. De boucles, de senteurs, corbeilles grammaticales dont l'écho est nourricier. Une ode naturaliste s'élève dans un charme fou où gravitent les protagonistes dont on devine chaque expression qui se fige à flanc de cette terre où seule, la nature est loi. Deux enfants bien trop petits sont happés par un drame familial des plus passionnels dont ils porteront les stigmates bien trop longtemps. Daniel perd la parole. Richard résiste, protecteur de son cadet. Dualité, écueil, l'irrévocable caché sous le tapis d'une pauvreté sentimentale, pécuniaire. Daniel va écrire un journal, exutoire alloué. Affranchi de sa maison d'accueil dans la Drôme du sud, il va revenir dans la maison familiale. « Mon enfance me manque. C'est dommage que je sois déjà si vieux et malgré cela à me répéter que je n'ai que vingt-deux ans. » Cet antre se trouve tout prêt de celle des Monnier dont Alice, Pierre et Robert frères et soeur et le secret lourd comme du plomb. Une scierie prospère et l'avant- goût d'un modernisme qui se profile. Ces deux fratries se tiennent à distance en chiens de garde. Ce récit- chorale est bouleversant. Chacun des protagonistes conte le gonflé des monts, le rude des vies, les troubles vifs, murailles des coeurs. Alice (la soeur) mariée à Louis quitte ce dernier, trop violent, trop jaloux, trop intrusif. Elle vit donc dans un petit appartement, travaille avec ses et pour ses frères. Deux hommes sectaires qui ne lui laissent aucun espace de liberté. « Ne te plais pas soeurette, tu gagnes correctement ta vie. Dans ce genre d'entreprise c'est la cohésion qui compte. » Alice se rappelle de Daniel. le sent proche. Fleur sur un rocher dont elle devine les racines profondes et le parfum captivant. La trame est majesté. La poésie comme innée. Venue de cette nuit où s'épanche la montée des mots. André Bucher est un peintre naturaliste à l'instar de Jean Giono, Henri Bosco, Henry David Thoreau. Il attire les soubresauts, les furtives attentions d'un palpitant qui se devine des observateurs, seuls. Les chemins enflent de ces personnages où la ruralité, le rude, le spartiate sont les tracés de leurs jours sans aucune autre issue. Une ombre s'avance dans cette contrée des vallées picturales, Vladimir, l'étranger, l'énigmatique. Et là, les amis on l'aime plus que tout ce grand livre, ce « Fée d'Hiver » (voyez aussi le jeu de mots !!!) « La tête sous l'eau il sentit son coeur se gonfler pire qu'une nacelle et alors il sut à l'image-de cette grande baigneuse, sa fée des arbres et muse délicieuse dans son livre de poésie slovène- sur le point de remonter, de revenir à la surface, il sut qu'il était tombé amoureux. » Que va-t-il se passer ? Ce récit est une rencontre majestueuse avec un langage quasi théologal. Puisant ses rimes dans l'ampleur des essences et des sens. Ne sait pas son pouvoir, sa magie qui opèrent sur le lecteur. le nombre de fois où l'on s'arrête la gorge serrée tant le verbe est vertu, et les sentiments, des robes de lumière. Tant ce récit est une cabane de berger à flanc de colline. Voûte lactée et parabole du vivifiant. Regardez les cimes qui s'épanchent. « Fée d'Hiver » est du style « Nature Writing » du baume au coeur. Il donne sans rien garder pour lui et c'est le signe d'un génie littéraire évident. Publié par les majeures Editions le Mot et le Reste.
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