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Critique de abfabetcie


Un livre hyper instructif, documenté, un récit autobiographique mais aussi une véritable enquête au coeur du diabète, étayée de nombreux témoignages de diabétiques auxquels Bertrand Burgalat donne la parole. Et comme il est dit en 4e de couverture, c'est un travail magistral d'utilité publique.
Par où commencer pour parler de ce livre ? Peut-être finalement par la fin qui donne un véritable espoir et surtout qui dit un mot que l'on entend si rarement dans le cas du diabète… GUERIR.
Le chapitre consacré à la mesure de glycémie interstitielle, s'il n'illustre pas encore cette fameuse guérison, donne un réel espoir pour le confort de la vie quotidienne du diabétique contraint de se faire des dextros (qu'on dit indolores mais qui ne le sont pas vraiment), avec l'apparition sur le marché d'un lecteur innovant, le Freestyle Libre développé par Abbott France. « La révolution. Plus de piqures au bout des doigts et de goutte de sang. Un patch au bras mesure en permanence la glycémie entre les cellules à l'aide d'un filament indolore. On passe au-dessus de lui un lecteur qui fonctionne comme un scan… et affiche les résultats ainsi que leur évolution. le capteur est changé tous les 15 jours, il résiste à l'eau. » Seul hic : 60 euros pour le lecteur, 60 euros par capteur, non (encore) remboursés ! « Un an après son AMM, le test n'est toujours pas remboursé, ce qui semble arranger tout le monde : le fabricant… Ses concurrents, qui continuent d'écouler leurs appareils dépassé. Ca n'arrange pas les diabétiques, ni la collectivité, puisque ce dispositif va sauver des vies, épargner bien des complications. » Mais l'auteur est confiant : « Ce truc sera remboursé, ce sera bientôt la norme. »
Bertrand Burgalat dénonce beaucoup de choses, les abus et dérives de l'industrie pharmaceutique et ses grands laboratoires et leur logique de marché plus que de santé publique, la lenteur de l'administration et des autorités à prendre les bonnes décisions, les limites de l'éducation thérapeutique, la méconnaissance du vécu, les idées reçues…
Il regrette également le peu de résultats de la recherche depuis l'invention de l'insuline, recherche qui s'est surtout portée sur l'amélioration des appareils toujours plus perfectionnés qui proposent toujours plus de gadgets sans apporter de réel confort dans la prise en charge au quotidien du diabète ni de guérison, moins profitable. « Existe-t-il une volonté de venir à bout de cette maladie ? Qu'est-ce qu'on a trouvé depuis l'insuline il y a près de 100 ans ? Pas grand-chose. Et pourtant on cherche, des millions engloutis qui souvent n'apportent rien de décisif aux patients. .. L'appétit du gain a longtemps orienté les efforts vers des voies qui relevaient essentiellement du matériel, une meilleure ergonomie des traitements. On a visé bas. Quant au bilan de la diabétologie… des années d'erreurs et de querelles pour aboutir à la grande idée condescendante d'éducation thérapeutique. » Mais il tempère son propos : « La recherche appliquée progresse lentement, trop souvent au rythme imposé par les fabricants, mais elle avance. » Mais il n'empêche que le diabète rapporte…

Idées reçues
B. Burgalat raconte les approximations, préjugés auxquels sont confrontés les diabétiques : « le dessert est servi, t'y as pas droit, toi ? » Il est très compliqué de faire comprendre aux autres qu'avec l'insuline, il y a des moments où on ne peut rien avaler et d'autres où le sucre est permis, parfois même salutaire. Et le diabète ne se voyant pas, il engendre bien des clichés.

Difficulté de l'équilibre
« L'équilibre, ça n'existe pas. C'est un idéal, une aspiration impossible… le pancréas sait le faire. le diabétique doit rejouer tous les jours le tiercé de la veille. Et tous les jours, c'est un autre podium. Entre le sucre et l'insuline s'engage une course-poursuite sur un circuit au tracé et au terrain changeants, dans un bolide qui accélère et freine sans pouvoir maintenir sa vitesse de croisière. »
« Injecter 10 unités aujourd'hui ou 10 unités demain, cela n'a rien à voir. Tellement d'autres facteurs rentrent en jeu. »
« Les médecins ont tendance à négliger la psychologie, la jouissance, l'autodestruction, le fait qu'il ne suffit pas de le vouloir pour être bien réglé. Ils infantilisent beaucoup. »

Les bons côtés du diabète
Au diabétique, on demande de faire ce que tout le monde devrait faire, une forme d'hygiéniquement correct, supprimer le sucre rapide et manger de tout mais en quantité raisonnable. On peut y voir une sorte de pouvoir sur son organisme, une emprise positive mais ce n'est pas si simple.

Le monde médical
Ses propos sur « l'Eglise de la diabétologie » et son « gourou » André Grimaldi ne manquent pas de sel ! « le diabétique est l'objet à la fois d'une attention et d'une forme de circonspection, des attitudes qu'on pourrait en effet avoir vis-à-vis d'enfants. » le patient diabétique est constamment confronté à l'autorité des hommes en blanc, qui pour beaucoup manquent cruellement de psychologie. Seul Jean-Jacques Robert, professeur de l'hôpital Necker, sort du lot car il tient bien plus à l'équilibre de la personne qu'à l'équilibre glycémique.
Bertrand Burgalat dénonce le scandale des médecins, praticiens, experts affiliés à l'industrie pharmaceutique et consultants des laboratoires, pour défendre leurs produits, notamment l'insuline Lantus de Sanofi dont il reproche « l'éventuelle » nocivité.

Les associations
L'AJD est évoquée, de manière plutôt positive, avec son éducation thérapeutique pour les enfants et adolescents, mais aussi et surtout la FFD-AFD, 130 000 membres dont moins de 3% de diabétiques ! Sponsorisée par les équipementiers et auto-désignée interlocuteur unique auprès des autorités de santé, des thérapeutes, des industriels. C'est peut-être là où le bat blesse. Mais il y a quand même beaucoup d'espoir que les associations pèsent enfin sur la recherche et fassent évoluer les choses, au grand dam des industriels. Selon Gérard Raymond, « patron » de l'AFD, les associations ont besoin de militants plus que d'adhérents pour représenter les 4 millions de diabétiques (type 1 et 2).
Une autre association est présentée, OSE, créée par Claude Colas, diabétologue dont l'entretien avec l'auteur est passionnant.

Au final, ce livre c'est un peu la face cachée du diabète, sujet encore et souvent tabou (particulièrement dans le monde des people). Il met en lumière les problèmes auxquels sont confrontés les diabétiques : problème d'assurance, insertion professionnelle, insertion sociale…
Enfin, ce livre ne manque pas d'humour ni d'autodérision et malgré le sujet, c'est un véritable plaisir de lecture. Un coup de pied dans la fourmilière, que ça fait du bien !
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