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Critique de Cigale17


Je n'ai pas pu m'empêcher de donner à Hackberry Holland les traits de Tommy Lee Jones, parce qu'il tient le rôle de Dave Robichaud dans le film de Bertrand Tavernier inspiré du roman de James Lee Burke Dans la brume électrique avec les morts confédérés, bien sûr, mais surtout à cause de celui du shérif Bell dans No Country for Old Men, personnage qui présente plusieurs points communs avec l'ex-Texas Ranger de la Maison du soleil levant.

J'ai vu le film, mais je n'ai pas lu le roman éponyme de Cormac McCarty. Il me semble que le film et le roman de Burke partagent certains thèmes. À des époques différentes – de 1891 à 1919 pour le livre, dans les années 80 pour le film –, mais dans des lieux identiques, ils traitent tous deux de la difficulté de laisser derrière soi la manière de vivre que l'on avait adoptée et de s'habituer aux changements, de la nécessité de mutations douloureuses. Ils présentent deux personnages qui traînent de lourds passifs et qui perdent pied dans le monde nouveau. Tous les deux sont habités par la prégnance du Mal, par la recherche d'une forme de rédemption, par la nostalgie d'une époque révolue et l'amour d'une certaine Amérique, sans doute en partie fantasmée. En plus de ces thèmes, je crois que l'intrigue offre aussi quelques parallèles : un vol important, un psychopathe qui cherche à récupérer son butin, un (anti-)héros hanté par un acte commis dans le passé, et sans doute d'autres que je n'ai pas à l'esprit.

Hackberry Holland, son fils Ismaël l'appelait Big Bud, est un personnage complexe. Habité par la violence mais possédant un réel sens moral (adaptable, il est vrai), têtu comme une mule, il éprouve des difficultés à se contrôler et n'apprend pas de ses erreurs : « Tu es stupide », lui répéteront tour à tour les trois femmes qu'il côtoie. Il est généreux, altruiste, et prend fait et cause pour les persécutés. Par ailleurs, il a beaucoup lu (des encyclopédies et des dictionnaires, Hugo, Poe, etc.), et il est nettement plus cultivé que la moyenne. Et puis, il y a son alcoolisme ; il arrive à le maîtriser momentanément, mais s'il boit un seul verre, il s'enivrera jusqu'à l'inconscience. Les trois femmes mises en scène se révèlent exceptionnelles pour des raisons diverses, parfois opposées. Maggie Bassett, l'épouse légitime de Holland (enfin, légitime, faut voir !) est une séductrice, manipulatrice, perverse, cruelle, amorale et intéressée, intense et courageuse, mais prête à toutes les bassesses pour éviter de retomber dans la pauvreté. Ruby Dansen, que Holland voudrait épouser, ressemble à son double positif : capable d'amour sincère, d'abnégation, de générosité, de bonté, elle pourrait pourtant en arriver aux pires extrémités si le fils qu'elle a eu avec Big Bud, Ismaël, était en danger. La troisième, Beatrice DeMolay, est la plus mystérieuse ; tenancière de bordel, elle connaît du beau monde et la lie de la terre (ça peut être les mêmes), et réussit en affaires. Elle a un faible pour Holland qui se dispense de la juger.

J'ai adoré encore une fois l'écriture de James Lee Burke (voir les citations) qui rachète en grande partie les défauts de cette histoire. J'aime son lyrisme, ses descriptions quasi mystiques, ses comparaisons parfois improbables et la richesse de ses métaphores. En fait, ce génial écrivain réussit à rendre intéressantes les péripéties d'une intrigue vraiment tirée par les cheveux et pas crédible une seule seconde ! Cette histoire d'une quête d'un supposé Graal dans l'Ouest américain, la rencontre d'une femme qui est peut-être la descendante de Jacques de Molay et qui a, comme homme de main, un Haïtien ancien prêtre vaudou serait parfaitement risible si elle était née sous une autre plume… J'ai surtout lu des romans qui appartiennent à la série des Robicheaux et je n'avais rencontré un Hackberry Holland que dans Déposer glaise et bouclier, qui m'avait plu, mais sans plus... Puisque le Hackberry que je connaissais était un avocat des droits civils vétéran de la Corée, j'ai dû faire une recherche pour comprendre qu'il était le petit-fils du Texas Ranger (merci Google), doté presque des mêmes qualités et défauts ! Si vous ne connaissez pas ce magnifique écrivain, ne commencez pas par ce roman un peu bancal : allez chercher un des romans mettant en scène Dave Robicheaux ; ils peuvent se lire indépendamment et vous devriez vous régaler…
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