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Critique de HealingWords


“Un père sans fils. Un mari sans travail. Était-il possible de tomber plus bas ?”

wow… Sacrée claque ! Zhaodi est le genre de livre que l'on referme les larmes aux yeux. La première chose que j'ai faite après l'avoir terminé ? Soupirer. Profondément.

Les chapitres sont courts, la plume incisive et froide, le récit va droit au but. Pas de fioritures. Pas de lumière. Tout est noir. Les autrices nous plongent de suite dans le vif du sujet, dans une ambiance poisseuse qui nous colle et nous pousse à tourner les pages avec comme une envie malsaine d'en savoir toujours plus, ou l'espoir de s'en sortir. le lecteur se surprend à tourner les pages avec frénésie.

Il y rencontrera des personnages brisés, détruits par la vie. Celui de Cheng m'a particulièrement touchée. Quand la protagoniste Zhaodi, victime de la politique de l'enfant unique, dont le prénom signifie “Apporte-nous un petit frère”, est pleine d'une haine et d'une colère froides, son père, lui, se noie dans sa déchéance, son déshonneur, sa solitude et l'alcool. Véritable déchet, débris humain, qui n'a pas su être un bon mari, un bon père, être l'homme capable de faire vivre sa famille, Cheng est étouffé par sa lâcheté, sa faiblesse et le poids d'une vie malheureuse. Il avance avec la conviction terrible de ne pas être un homme, la société dans laquelle il évolue ne cessant de le lui rappeler. Témoin de sa propre chute, il a assisté et assiste encore, impuissant malgré lui, à la destruction de sa famille, de sa raison d'être, de son rôle en tant qu'homme, père et mari, pris au piège d'un cercle vicieux à l'instant même où la fille qu'il n'aurait jamais dû avoir a poussé son premier cri. Dès lors, Cheng se retrouve coincé entre les choix que la société et/ou la secte lui imposent, et ceux que sa nature lui commande. Il avance d'échec en échec, lui dont le prénom signifie “réussite”, cristallisant tous les espoirs que ses parents ont placés en lui et qui n'est devenu au fil des années qu'une blague sinistre. Lui qui était le fils, lui dont de la réussite dépendait l'honneur d'un nom, l'honneur d'une famille. Ce personnage dont le monde s'est effondré m'a bouleversée et brisé le coeur. Seul et habité d'une souffrance indicible, il est rongé par la culpabilité de choix cornéliens, véritables dilemmes entre sentiments et devoir. Malheureusement, les conséquences de ses décisions ne lui permettront jamais de se rendre compte de leur bien-fondé. Aucune justice ne viendra jamais le bercer d'une douce chaleur, d'une sensation de soulagement d'avoir fait le bon choix. Sauver sa fille, à sa naissance, au sein de la secte, puis à d'autres occasions tragiques, le mènera à un état de non-existence. Cheng n'est pas un couard, c'est même tout l'inverse, mais la vie et ses rencontres ne lui permettront jamais de s'en rendre compte. Il a au contraire eu la force de faire les choix justes et bons, quand c'était l'environnement qui était totalement toxique.

Impossible de parler de ce roman sans mettre en garde contre les nombreux TW : viol (sur mineur), suicide, suicide collectif, secte, embrigadement, manipulation, meurtre, prostitution, misères sociale et intellectuelle, pauvreté extrême, alcool, violence (physique, psychologique, sexuelle, sociétale, parentale…) et dérives de la politique de l'enfant unique, comme l'avortement et la stérilisation forcés. C'est dur, mais ce qui rend cette histoire encore plus horrible, c'est son réalisme. Bien sûr, c'est romancé pour les besoins de l'intrigue, mais c'est une réalité, et ça l'est malheureusement encore pour beaucoup. Zhaodi montre sans détour l'horreur des sectes, qui détruisent des vies sur des générations. Ces organisations tentaculaires ne brisent pas que les adeptes, mais impactent beaucoup plus largement, laissant des traces indélébiles même après des années et une prise de conscience, influençant ainsi toujours malgré elles les comportements et les pensées des victimes.

Ce thriller dont l'action se déroule en Chine entre les années 80 et 2015 met en scène la déchéance d'une famille. Les rebondissements sont incroyables et écoeurants, allant toujours plus loin dans l'horreur. C'est fort, touchant, poignant, effrayant de réalisme (sûrement sa plus grande force et ce qui fait le plus peur). J'ai lu la fin en apnée, moi aussi totalement anesthésiée par ce récit noir et révoltant jusqu'à sa dernière ligne. Ce texte est incroyable, presque plus roman social que thriller, fiction réaliste à ne pas mettre en toutes les mains.

Merci beaucoup aux Éditions Noir d'Absinthe pour cette lecture dont je me souviendrai.

“Le vide en elle continue de grossir, de s'étendre. Chaque jour, elle s'attend à ce qu'il devienne trop grand pour elle, qu'il la consomme tout entière. Pourtant, il y a toujours de la place pour la souffrance et la peine.”
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