AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Bequelune


Ce bouquin paru en 1990, mais traduit en français seulement en 2005, est devenu une sorte de « livre culte », autant acclamé que décrié par ses opposants. Pourtant, je fais le pari que peu de gens dans un cap comme dans l'autre l'ont vraiment lu – parce qu'il faut franchement s'accrocher.

Au contraire de l'université française où les disciplines sont assez cloisonnées (sociologie, psychologie, etc.), l'université canadienne est plutôt organisée en thématiques. Aussi, on peut trouver des départements de « gender studies » où on va étudier les questions de genre à la fois d'un point de vue historique, littéraire, etc. Ce livre, du point de vue d'un lecteur français, est d'abord déroutant pour ça : il mêle philosophie, anthropologie, psychanalyse, théorie politique… Ajoutons que l'auteure n'a pas le truc pour s'expliquer facilement, et que ses phrases sont souvent complexes. Il en ressort un livre pas facile à lire du tout.

De quoi ça parle ? Butler propose de repenser le féminisme en questionnant à la fois le sujet « femmes » et le concept de genre. Butler conteste le fait qu'il y ait une identité féminine qui ait été empêchée par les hommes ou le patriarcat. Pour elle, « les femmes » ou « la Femme » forme une fiction politique. Il y a eu, pour les corps dit féminins, d'innombrables façon d'être à travers les époques, les lieux, les classes sociales, les orientations sexuelles, etc qui rend impossible d'idée d'une identité, ou même d'un réel partagé commun. (Ce constat marche avec la catégorie « les hommes » également.) Elle a cette expression comme quoi, quand on essaye de correspondre à ce que doit être un homme ou une femme, nous sommes tous « des copies sans originaux », reproduisant un modèle fictif qui n'existe que parce que chacun essaye de correspondre à un idéal qui n'a jamais existé "en vrai", qui n'a pas d'existence en dehors de nos imaginaires. le sexe, le genre, les orientations sexuelles sont donc des « performances », des répétitions inlassables.

Même si je viens d'essayer de le faire dans le paragraphe précédent, je concède qu'il est compliqué de résumé la pensée de Butler, d'autant que ce livre est très théorique, aussi je vous invite à aller lire la page wikipédia de ce bouquin qui est plutôt bien faite.

Une dernière remarque : aujourd'hui, Butler est (sans doute malgré elle) souvent associé au mouvement « queer », et rapproché des évolutions actuelles des mouvements LGBT+. Je trouve ceci particulièrement ironique dans la mesure où ces mouvements sont devenus très identitaires, y compris chez les trans, alors même que le propos de Butler est au contraire de dire que toute identité est une construction fictive qui ne se base pas sur un réel. C'est peut être un symbole du fait qu'une bonne par des LGBT+ et de ceux qui les critiquent (à droite, principalement) partagent un point commun : ils ne connaissent pas les livres important de leur propre histoire et les citent sans les avoir lu.

Toutefois, on peut sans doute parler quand même de filiation dans la mesure où Butler insiste sur la nécessité d'inventer d'autres jeux avec le genre, d'autres identités sexuelles, en dehors des catégories figées comme l'hétérosexualité, pour apporter du "trouble dans le genre" et venir contester le système. le développement récent du mot genre comme identité sexuelle qu'on pourrait librement choisir indépendamment de son sexe de naissance peut certainement trouver une partie de ses racines lointaines dans ce livre.
Commenter  J’apprécie          20



Ont apprécié cette critique (2)voir plus




{* *}